Publié le 29 Septembre 2012

Nous relisons ces textes aujourd'hui

 

Nous vivons un seuil inédit  de l’histoire de l’Humanité

 

Jusqu’en 2011 aucun être humain n’a eu sept milliards de contemporains.   Que de données nouvelles par rapports aux temps bibliques ! Citons par exemple : la mondialisation effective avec ses avantages et ses dangers, la rapidité des déplacements, la circulation instantanée de l’information à travers la Planète, l’approche scientifique des réalités (de l’infiniment petit à l’infiniment grand), l’avalanche des découvertes scientifiques ; mais aussi les mécanismes engendrant la pauvreté, le défi écologique et la prise de conscience d’une responsabilité face à l’avenir de la Planète et de l’Humanité, la  non nécessité d’une religion avec la liberté de croire ou non, mais une quête de sens renaissante ; un dialogue interreligieux qui se cherche, mais aussi un clivage à l’intérieur de nombreuses religions entre le repli sur soi et l’ouverture...

 

Avancées et reculs de la situation des femmes  

 

Après le longues périodes de quasi silence et le temps des affirmations surtout individuelles (religieuses, reines...), les femmes commencent à s’affirmer collectivement. Les 5-6 octobre 1789, certaines marchent sur Versailles et ramènent la famille royale à

Paris. Deux ans plus tard, le 28 octobre 1791, Olympe de Gouges présente à la Convention la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne. Mais c’est surtout au 19ème et au début du 20ème siècle que, malgré de nombreuses résistances, le féminisme naît en Occident : création d’associations et de journaux, revendications du droit de vote, accès à l’enseignement, à la gestion libre de son argent, aux responsabilités et au savoir.

 

. Le 10 décembre 1948 la Déclarationuniverselle des Droits  de  l’Homme   affirme  au  niveau   mondial l'abolition    des   discriminations.   Cette    Déclaration

s’adresse à chaque être humain « sans distinction aucune de race, de couleur, de sexe, de langue, de religions d’opinion politique ou de toute autre opinion... » (article 2)

 

. En 1981, une Convention des Nations Unies pour l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard des femmes est ratifiée par de nombreux États (à l’exception d’environ d’une douzaine).  Cependant les États sont souvent loin d’honorer leur ratification. 

De nombreuses situations « esclavagistes » existent encore, prolifèrent et renaissent à travers le monde. Elles concernent, entre autres, la violence domestique, l’enseignement, la maternité, les rituels et les mutilations, la santé, la mortalité, l’analphabétisme  (près des deux tiers des analphabètes dans le monde sont des femmes), la propriété (les femmes possèdent 1% des terres dans le monde)... [1]

 

. En février 2012 un printemps féministe commence en Arabie saoudite. Cette campagne appelée « Mon droit à la dignité »  attaque les interdictions faites aux femmes de conduire ou de travailler, d’ étudier, de voyager, de se marier ou de subir une intervention chirurgicale sans l’autorisation d’un homme.

 

Le Vatican ne pèche par excès de féminisme

 

À la première rencontre des religions pour la Paix, organisée par Jean Paul II à Assise en 1983, aucune femme n’était présente ! Aujourd’hui,  il est de notoriété publique que la situation de la femme dans l’Église catholique est une  question irritante pour les autorités vaticanes. Un des points critiques est  l’ordination des femmes.  Il est vrai que s’il s’agit d’ordonner des femmes qui reproduiraient les anciens modèles sacerdotaux il vaut mieux s’abstenir. Les femmes méritent mieux.

En 1994, Jean Paul II, dans la Lettre apostolique  Ordinatio sacerdotalis déclare que l’ordination est exclusivement réservée aux hommes et que la question est définitivement close. Faudra-t-il attendre quatre siècles pour voir la réhabilitations des femmes comme on a vu celle de Galilée ? Dans l’encyclique Dieu est Amour de Noël 2006, au § 40 Benoît XVI évoque douze figures de saints « qui ont exercé de manière exemplaire la charité ».  Parmi eux, nous trouvons deux femmes. C’est déjà un progrès... un léger progrès. Le paragraphe suivant (2 pages) s’attarde longuement sur Marie... J’aimerais savoir ce qu’elle en pense.

 

Si on demandait aujourd’hui à saint Paul de réécrire ses épîtres pour l’Humanité d’aujourd’hui peut être écrirait-il : « Que les femmes prennent toute leur place dans l’action et l’organisation de la communauté humaine depuis la base jusqu’aux plus hautes responsabilités, et surtout dans les Églises qui, comme moi, se réfèrent à Jésus-Christ. Ainsi se réaliserait  la mission que Dieu a confiée dès les origines aux hommes et aux femmes créés ensemble à son image et chargés ensemble d’organiser la vie sur la terre et de la servir pour le bien de toutes et de tous. » 

 

En hébreu, le mot Ruah « vent » ou « Esprit » est du genre féminin. Cet Esprit est-il toujours agissant dans le Monde et dans les Églises qui se revendiquent de lui ?  Aurait-il pris son année sabbatique ? Ou bien sommes nous devenus aveugles et sourds ? Il reste tant et tant à faire...

 



[1] Voir Découvrir....p. 12-

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Publié le 29 Septembre 2012

C- L'humour de l'Esprit

 

Chaque fois que le Peuple de la Bible se croit arrivé, en sécurité, a envie de se refermer sur lui-même, devient esclave d’une pensée dominante, des failles apparaissent, des ébranlements ont lieu, des ouvertures se font jour. Un fil rouge (ou vert, si vous préférez)  traverse ainsi toute l’histoire biblique (sur le terrain) et toute l’Écriture (dans les textes).

 

Nous avons le droit d’y rechercher le souffle, des signes, et des provocations de l’Esprit et de les interpréter. Cela ne signifie-t-il pas que Dieu refuse que l’on s’installe dans ses certitudes, dans ses  frontières géographiques, dans des fortifications matérielles ou spirituelles, venant d’un autre âge, dans un système de pensée immuable qui emprisonne le mystère de Dieu dans nos pauvres paroles et concepts, fussent-ils philosophiques, théologiques ou dogmatiques ?

 

 

Un fil rouge traverse toute l’histoire biblique

 

. En Genèse 12,1-2, Abraham est regardé par le  Peuple de la Bible comme l’ancêtre appelé par Yahvé. Deux chapitres plus loin il reçoit la bénédiction du  Dieu-Très-Haut par un  prêtre étranger, Melchisédech (Genèse 14,19-20).

 

. Moïse, sorti d’Égypte avec son peuple libéré, accepte comme conseiller son beau père, Jéthro prêtre de Madian. (Exode 18,13-27).

 

. Les Israélites croient que la Terre promise leur est donnée pour toujours. L’exil, l’occupation étrangère et la diaspora, ébranleront cette certitude.

 

. La dynastie de David a reçu la promesse  de subsister éternellement (1erSamuel 7,16).  Elle disparaîtra avec l’exil.   

 

. On pensait que le Temple de Jérusalem ne serait  jamais détruit. Il le sera à deux reprises. La deuxième fois, définitivement.

. L’idée que la maladie ou le malheur est la punition d’une faute renaît sans cesse. Job refuse cette explication et crie sa révolte. Il est félicité par Dieu contrairement à ses sages contradicteurs (Job 42,8).

 

. Après l’exécution de Jésus et l’annonce de sa Résurrection, les premiers chrétiens attendaient son retour imminent. Il ne revient pas. On finira par situer le retour du Seigneur à la fin de l’histoire.

 

Ce fils rouge traverse aussi l’approche féministe de la Bible

 

. L’image de Dieu est masculine et féminine. Si Adam (l’être humain, mâle et femelle) est présenté en Genèse 1,27 comme créé à l’image de Dieu, cette image ne nous révèle-t-elle rien du modèle ?   Dieu est d’habitude présenté comme un homme. Le voici  avec un visage féminin, comme une mère qui nourrit son enfant (Osée 11,1-9) ou  meilleur qu’une mère qui pourrait oublier son fils (Isaïe 49,15).

 

. Moïse le libérateur est sauvé par des femmes. Aurait-il pu libérer son peuple s’il n’y avait eu sa mère, les accoucheuses des femmes des Hébreux, la sœur de Moïse, la fille de pharaon et ses servantes ? (Exode 2)

 

. Les espions de Josué arrivent à Jéricho. Ils  sont hébergés dans la maison d’une prostituée,  Rahab. Cette étrangère leur fait une leçon de théologie biblique à faire pâlir les scribes d’Israël (Josué 2). 

 

. Des femmes entrent comme  intruses dans les généalogies majoritairement masculines. Elles y sont presque infiniment plus nombreuses que dans l’Annuaire pontifical. Les voici dans la généalogie de Jésus. Toutes sont hors normes et réhabilitées :  Tamar prostituée,  Rahab étrangère et prostituée, Ruth, une Moabite, qui a épousé un juif,  Bethsabée, la femme que David a prise à Urie le Hittite, et Marie, « de laquelle naquit Jésus ».  ( Matthieu 1,1-17).

 

 . Deuxième miracle de Jésus dans l’évangile de Marc (1,29-31) : la guérison de la belle mère de Pierre dont  Benoît XVI est regardé comme le  264ème successeur. 

. La plupart des apôtres étaient mariés. Pourtant, à part Marc, seul Paul, célibataire, en parle dans sa 1ère lettre aux Corinthiens. Il nous apprend que, dans ses voyages missionnaires, Pierre se fait accompagner par son épouse.  Mot-à-mot : par « une soeur épouse »  adelphen gunaika, c’est à dire  « une chrétienne épouse » (1 Co 9,3-6).

 

. Parfois les apôtres essayent de conseiller Jésus. En vain. Une seule fois, il accepte une leçon, et exécute la demande d’une femme, d’une étrangère. Elle le prie de guérir sa fille et remet  ainsi en cause l’affirmation que Jésus vient de faire : «  Je n’ai été envoyé que pour les

brebis perdues du peuple d’Israël ». (Matthieu 15,21-28 ; Marc 7,24-20).

 

. Nous trouvons dans le Nouveau Testament une liste exceptionnelle de  femmes engagées dans l’Église naissante : Phébée diacre (ministre) de l’Église de Cenchrées, Priscille avec son mari Aquila, coopérateurs dans le Christ, Marie qui s’est beaucoup fatiguée pour la communauté, Junie et sa famille de vrais apôtres, Tryphène  et  Tryphose,  deux sœurs  très

engagées, et la « la chère Persis » qui s’est beaucoup fatiguée dans le Seigneur », ainsi que Julie et Nérée et sa sœur.  Qui nous fournit cette liste unique des femmes engagées ?   Personne d’autre que Paul dans la salutation finale de sa lettre aux Romains,   (Rm 16,1-16). Confronté à la vie et à l’action, il a dû mettre en veilleuse ses réflexions humiliantes pour les femmes, faites quelques années plus tôt. La vie commande.

 

Hier, aujourd’hui, demain.

 

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Publié le 29 Septembre 2012

B.  Des blocages et des reculs

 

Le dynamisme qui a suscité des avancées de la condition des femmes dans le peuple de la Bible est freiné ou rejeté par trois forces réactionnaires.

 

 

1. Des conceptions préscientifiques   

 

Une conception erronée du sang et de la pureté

 

Pour les peuples anciens le raisonnement semblait limpide : le sang c’est la vie. Pourquoi ? Parce que si le sang s’écoule d’un corps, la vie disparaît. Donc « l’être de la chair est dans le sang »  (Lévitique  17,11). La vie est mystérieuse et sacrée. C’est pourquoi  il ne faut pas manger la chair avec son être, c’est à dire avec son sang (Gn 9,4).  Aujourd’hui encore, dans certaines  religions, on égorge les animaux pour les vider de leur sang.

 

Mais les hommes n’ont pas le même rapport avec le sang que les femmes. Le sang des couches ( Lv 12,1-8) comme le sang des règles (Lv 15,19-30) est regardé par la loi comme rendant impur. En effet, selon le Livre du Lévitique, après l’accouchement, la femme doit un certain temps habiter dans le sang de la purification. Pendant ce temps elle n’a pas le droit de toucher d’objet sacré ni de venir au sanctuaire  (12,4). Le temps de la purification dure 40 jours pour un garçon et 84 (!) jours pour une fille (12,3-5).  Cette conception du sang rend la vie des femmes difficile:  Après un écoulement de sang  la femme restera sept jours dans l’impureté de ses règles. Qui la touchera sera impur jusqu’au soir ... Toute couche sur laquelle elle s’étend, tout meuble sur laquelle elle s’assied sera impur et celui qui touchera ce lit ou ce meuble sera impur jusqu’au soir. « Si un homme couche avec elle, il sera impur pendant sept jours ... (Lv 15,19-23).  Comment ne pas être complexée ou culpabilisée ?

 

Une conception erronée de la procréation humaine

 

Pendant des millénaires, et presque universellement, la procréation était comprise selon le modèle agraire. Les « entrailles » des femmes représentaient le champ et l’apport de l’homme la semence enfouie dans le terreau féminin. Dans cette manière de voir la femme ne donne pas l’être à l’enfant, mais fournit seulement la matière pour former l’embryon. 

Au 1er siècle av. JC, l’auteur du livre de la Sagesse présente Salomon évoquant son origine et celle de tous les mortels : Dans la matrice d’une mère j’ai été modelé en chair,  pendant dix mois (lunaires) dans le sang, j’ai pris consistance, à partir de la semence virile et du plaisir, compagnon du sommeil ... (Sg 7,1-3). Dans cette perspective il est normal que l’enfant reçoive le nom du père. C’est pourquoi toutes les généalogies sont masculines. Et pas seulement dans la Bible. 

 

Or depuis plus d’un demi-siècle la génétique et l’embryologie ont progressé à pas de géant. En 1953 : détermination de la structure de l’ADN  En 2003 : annonce de l’achèvement de la carte du génome humain. Au début de son ouvrage, Jésus, fils de Joseph, publié par l’Harmattan en 2003,  Jean Marie Moschetta explique pourquoi  la notion de ‘semence’ est inadéquate : « Chez l’être humain, chaque cellule du corps (à très peu d’exceptions près), contient l’ensemble du code génétique d’un individu (...) la notice de montage complète qui permet de fabriquer un être vivant presque totalement identique (...)  En ce sens la vision archaïque de l’embryologie  dans laquelle une semence localisable organiserait et superviserait la construction du corps à la manière d’un conducteur de travaux est totalement erronée. » (o.c. p.23-24).

 

La génétique moderne  introduit également une remarquable symétrie dans la fécondation humaine. Chez l’homme comme chez la femme le génome humain est composé de 23 paires de chromosomes constituée chacune de deux chromosomes identiques, l’un provenant du père, l’autre de la mère. Il reste cependant vrai qu’au cours de la grossesse la femme fournit l’essentiel de la matière du corps de l’enfant. Mais en revanche toutes les caractéristiques génétiques sont transmises par les deux parents dans d’égales proportions. (cf o.c. p.24-25).

 

Les anciennes conceptions préscientifiques concernant le sang et la fécondation ont été un frein à la promotion des femmes. C’est excusable pour les temps anciens. C’est inacceptable aujourd’hui. 

 

2. L’influence d’une culture étrangère

 

L’hellénisme  

 

En –336, Alexandre, élève d’Aristote, succède à son père Philippe de Macédoine. Il dispose d’une armée redoutable. En treize ans il conquiert un empire qui s’étend  jusqu’aux  rives de  l’Indus  et  jusqu’aux fron

tières de l’Éthiopie. En cours de route (-332) il prend la Palestine. Il meurt à l’âge de 33 ans, après avoir constitué le plus grand empire jamais connu. Cet empire va se diviser.

 

Mais la civilisation grecque, l’hellénisme,  qu’Alexandre  a commencé à diffuser marquera les pays conquis et tout le bassin méditerranéen. Cette influence culturelle grecque concerne la langue, les manières de penser, l’anthropologie, la religion, l’art de vivre, mais aussi une conception négative de la femme. Au 5ème siècle av.JC, Périclès avait fait adopter une loi selon laquelle nul ne pouvait être citoyen athénien s’il n’était pas le fils légitime d’un citoyen et d’une citoyenne. Les femmes étaient donc privées de tout droit. Elle ne sont font pas partie  des fils légitimes.

 

Dans son livre La Bibleau Féminin,  publié par le Cerf en 1990 ( pages 97-112),   Laure Aynard évoque de nombreux documents présentant la vision négative de la femme dans l’hellénisme dans les mythologies, chez les poètes, les philosophes : « Platon avait répandu l’idée que le principe viril incarnait l’esprit et le principe féminin la matière. Aristote en tire une conclusion logique : de même que l’esprit doit commander au corps, l’homme doit commander à la femme. » (Politique III,6).

 

À la base de la discrimination se trouve également la pensée pythagoricienne reposant sur des couples de contraires : défini-indéfini, un-multiple, pair-impair, droite-gauche, mâle-femelle, droit-courbe, lumière-obscurité, carré-oblong. Le premier membre du couple est marqué positivement, le second négativement.

 

Cette influence pernicieuse (en Palestine et aussi dans la diaspora) s’ajoutera à celle du courant «pur et dur » du judaïsme et sera confortée ensuite par la domination romaine  qui accentuera  le rôle du père de famille (paterfamilias), rejoignant ainsi l’ancienne conception patriarcale des Juifs.

 

Deux textes significatifs de la Bible

 

Par la conquête d’Alexandre et ses conséquences le peuple de la Bible est confronté pour la première fois à l’Occident. Malgré de nombreuses résistances, l’hellénisme marquera les Juifs. La plupart des livres de la Bible seront traduits en grec. Concernant la conception de la femme deux ouvrages de cette époque donnent de l’eau au moulin des machistes :

 

1° Qohélet ou l’Écclésiaste : une « première »

 

Cet ouvrage est marqué profondément par l’hellénisme. Il partage la conception grecque d’une

histoire qui tourne en rond  (Qo 1,4-11) ainsi que le regard négatif sur les femmes.  Qohélet  qui est à la recherche du bonheur écrit :  ’Je trouve la femme plus amer que la mort : car elle est un piège, et son cœur un filet et ses bras des chaînes : Qui plaît à Dieu lui échappe, mais le pécheur y est pris.’  (Qo 7,26). C’est la première affirmation biblique que la femme est mauvaise en soi. Ceci au 3ème siècle av. JC.

 

2° Le Siracide ou l’Écclésiastique : un « verset satanique »

 

Vers -180, un sage, Jésus, fils de Sirac, écrit en hébreu un ouvrage qui sera traduit en -132 par son petit fils.  L’ouvrage qui comporte de nombreux conseils judicieux est cependant entaché par un verset terrible concernant « la » femme :  À partir de la femme a commencé le péché et c’est à cause d’elle que tous nous mourrons. (Si 25,24).

 

Ce verset constitue un tournant malheureux dans la manière de considérer le femme dans la Bible. C’est la première fois qu’un auteur biblique commente le récit de Genèse 3,1-24 (la « chute ») en présentant  « la femme » comme étant à l’origine du péché et de la mort.  On peut parler de « verset satanique », non seulement  parce qu’il gomme le rôle de Satan dans le récit de la Genèse, mais aussi à cause de toutes les conséquences qu’on en tirera.  S’il n’y avait pas ce verset, tout ce que l’auteur dit sur les femmes serait l’écho de simples expériences ou constatations  qui d’ailleurs deviennent positives au début du chapitre 26. Mais ce verset fournit un fondement théologique à l’antiféminisme dont il faudra des siècles, plutôt des millénaires, pour se libérer. [1]  

                                         

                                                   

3. La pénétration de cette pensée dans les écrits du  Nouveau Testament

 

L’exemple de Jésus a-t-il été suivi ?

 

Pendant sa brève vie publique Jésus de Nazareth a pris une attitude résolument positive et nouvelle vis-à- vis des femmes. Jamais auparavant, à l’exception du Cantique des Cantiques, un personnage de la Bible  n’avait eu cette audace. On peut dire qu’il s’agit d’une nouveauté absolue dans la vie concrète, d’un commencement, d’un exemple à suivre, d’une voie ouverte.

Force est de constater que les disciples de Jésus ne se sont pas engouffrés d’emblée sur cette voie. Pourtant  les contemporains de Jésus qui ont transmis  leur  expé

rience et ceux qui, plus tard, ont écrit les quatre évangiles n’ont pas occulté cette audace du Maître. C’est grâce à eux que nous pouvons rejoindre l’attitude prophétique de Jésus à l’égard des femmes.

 

En revanche un certain nombre de lettre écrites par Paul, ou attribuées à lui, se situent en prolongement de l’influence hellénistique, utilisent volontiers le récit du jardin (Gn 2) et de l’origine du mal (Gn 3) et rarement le poème de la création (Gn 1) qui accorde une dignité égale à l’homme et à la femme. 

 

Que l’on s’entende bien, il n’est pas question de juger l’ensemble de l’oeuvre de Paul. C’est en grande partie grâce à lui que la bonne Nouvelle  est passée aux Nations et aussi chez nous. Mais cela ne doit pas nous aveugler et nous empêcher  de relever des propos et des  méthodes de réflexion, qui tout en ayant fait leur temps, continuent à avoir des effets désastreux aujourd’hui.  

 

Deux textes significatifs de Paul 

 

 Que les femmes viennent à l’assemblée la tête couverte (1 Corinthiens 11, 2-17).

 

Déjà le voile ! Il n’est pas choquant qu’en l’an 54 de notre ère Paul demande aux femmes de venir couvertes à la prière. Ce qui est choquant c’est la manière dont il cherche à justifier les propos, les méthodes, les principes et les raisonnements  qu’il utilise pour avoir raison.  

 

Paul commence par affirmer le principe : Je veux que vous sachiez ceci :  La tête (le chef) de tout homme c’est le Christ. La tête (le chef) de la femme c’est l’homme. La tête (le chef) du Christ c’est Dieu. (v.3). Voilà la hiérarchie bien établie, l’ordre voulu par Dieu : en bas la femme, au-dessus l’homme, au-dessus le Christ, au-dessus Dieu. L’un étant le chef ou la tête de celui qui est en-dessous. D’ailleurs : Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte fait affront à sa tête ( donc au Christ). Toute femme qui prie ou prophétise la tête découverte fait affront à sa tête  (donc à l’homme (v.4).  Paul continue ironiquement :  C’est comme si elle était tondue. Première conclusion  logique : Si donc une femme ne met pas de voile, alors qu’elle se coupe les cheveux ! Deuxième conclusion de Paul pour arriver à ses fins :  Mais si c’est une honte d’avoir les cheveux coupés ou tondus, alors qu’elle mette le voile. (v.5-6).

 

L’homme ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image et le reflet (la gloire) de Dieu. Quant à la femme, elle est le reflet (la gloire) de l’homme. (v.7).

Paul fausse ici le poème de la création qui affirme que l’homme et la femme sont créés  ensemble à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1,26-26), c’est-à-dire qu’ils sont l’un et l’autre et ensemble « reflet » de Dieu.

 

Puis Paul se réfère à sa source préférée, le récit  de  Genèse 2-3, qui est  plus ancien que le poème de Genèse 1,1-2,4a.  : Ce n’est pas l’homme, en effet qui  été tiré de la femme, mais la femme de l’homme et ce n’est pas, bien sûr, l’homme qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. (v.8-9). Comme si cela n’était pas encore assez clair, Paul insiste :  C’est pourquoi la femme doit avoir sur sa tête une’ exousia’ à cause des anges . (v.10).

 

Ce verset est ambigu. Le mot grec exousia signifie « autorité, pouvoir » et peut avoir une double interprétation : soit il s’agit d’un pouvoir qui domine la femme, soit il s’agit d’un pouvoir donné à la femme. Dans le premier cas on traduirait : elle doit avoir sur la tête un signe de soumission ce qui correspond a la hiérarchie évoquée dans les versets précédents.  Dans le second cas on pourrait envisager un pouvoir à exercer par les femmes. On traduirait en signe de pouvoir. Ceci correspondrait à l’usage du mot exousia dans le Nouveau Testament,  comme par exemple le pouvoir sur les démons (Mt 10,1 ; Mc 6,7 ; Lc 9,1) ou le pouvoir de faire des miracles (Mc 3,15 ; Lc 10,19 ; Ac 8,19 ; Ap 11,6). On pourrait alors en conclure à un pouvoir donné aux femmes comme celui donné aux apôtres.

 

Il ne faut pas oublier que Paul dictait ses lettres. Une phrase, une fois dictée et écrite, ne peut guère être supprimée, mais peut être corrigée par d’autres réflexions. Paul, qui a dû se rendre compte qu’il est allé trop loin, nuance les affirmations antiféministes du début du chapitre : D’ailleurs, dans le Seigneur, la femme ne va pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme, car si la femme a été tirée de l’homme, l’homme à son tour naît de la femme, et tout vient de Dieu. (1 Co 11,11).

 

Puis Paul  revient à sa préoccupation vestimentaire en faisant appel à «  la nature » comme les stoïciens :  Jugez-en vous-mêmes. Est-il décent que la femme prie Dieu la tête découverte ? La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c’est une honte pour l’homme de porter des cheveux longs, tandis que c’est une gloire de les porter ainsi ? Car la chevelure lui a été donnée en guise de voile. (v.13-15).

 

Voici Paul empêtré dans son raisonnement. En effet si la  chevelure  est  donnée  en  guise  de voile,  pourquoi

alors mettre un voile ?  Paul est pourtant assez fin pour sentir venir  cette objection :  En reste, si quelqu’un veut ergoter, tel n’est pas notre usage, ni celui des Églises de Dieu. (v.16).  Argument décisif et sans appel qui a traversera l’histoire et franchira résolument le cap du 3ème millénaire. . 

 

 Que les femmes se taisent dans l’assemblée  (1 Co 14,34-39)    

 

Ces versets font suite à des règles pratiques au sujet des charismes (v.26-33). Le souci de Paul c’est que les assemblées se passent dans l’ordre (v.33). Il indique une règle commune : Comme dans toutes les églises des saints que les femmes se taisent dans l’assemblée.  Pourquoi doivent-elles se taire ? Parce qu’il ne leur est pas permis de prendre la parole.  Paul fait appel à la loi : Qu’elles se tiennent dans la soumission comme la Loi le dit  (v.34).

Mais on ne connaît aucune loi qui interdise aux femmes de parler dans l’assemblée. Peut-être Paul se réfère-t-il  à une de ses sources préférée, le récit de  la chute où il est dit : Ton mari dominera sur toi (Gn 3,16). Cette domination fondant la soumission de la femme au mari doit s’exercer également  hors de l’assemblée :  Si les femmes désirent apprendre quelque chose, qu’elles interrogent leur mari à la maison.  Pourquoi ? Car il n’est pas convenable  pour une femme de parler dans une assemblée (v.35).  Pourtant dans la même lettre,  Paul laissait entendre qu’une femme peut  prier et prophétiser (11,5). [2]

 

Heureusement que, par ailleurs, l’enseignement de Paul  Il n’y a ni homme ni femme, car  vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus (Galates 3,28), ainsi que sa pratique permettent de nuancer ses textes machistes. Les Actes des Apôtres évoquent ses liens avec Lydie la marchande de pourpre de Thyatire (Actes 16,11-15), et ses relations suivies avec Priscille et son mari Aquilas de Corinthe (Ac 18,1-4)...  N’empêche que certaines réflexions de Paul  influeront fortement  l’élaboration de la théologie, de la législation, des mentalités et des structures d’Église que nous  connaissons.

     

Voici – à titre d’exemple- l’utilisation d’une telle exégèse par un pape :  Honorius III (de 1216 à 1227) demande aux évêques de Burgos et de Valence (Espagne) d’interdire aux Abbesses de parler du haut de la chaire, cela était réservé aux hommes. Il explique ainsi son  refus : « Car les lèvres (des femmes) portent  les stigmates  d’Ève, qui par ses paroles a scellé le sort de l’homme. »

 

Heureusement que  l’expérience nous apprend que dans l’histoire rien n’est jamais bouclé définitivement. Si c’était le cas on aurait réussi à mettre l’Esprit en cage. Et Saint Pierre pourrait glisser ses clés sous le tapis.   



[1] cf. Découvrir... p. 240-242.



2] voir Découvrir...p 118 et 127

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