La Bible est-elle antiféministe ? (4) - Albert Hari

Publié le 29 Septembre 2012

C- L'humour de l'Esprit

 

Chaque fois que le Peuple de la Bible se croit arrivé, en sécurité, a envie de se refermer sur lui-même, devient esclave d’une pensée dominante, des failles apparaissent, des ébranlements ont lieu, des ouvertures se font jour. Un fil rouge (ou vert, si vous préférez)  traverse ainsi toute l’histoire biblique (sur le terrain) et toute l’Écriture (dans les textes).

 

Nous avons le droit d’y rechercher le souffle, des signes, et des provocations de l’Esprit et de les interpréter. Cela ne signifie-t-il pas que Dieu refuse que l’on s’installe dans ses certitudes, dans ses  frontières géographiques, dans des fortifications matérielles ou spirituelles, venant d’un autre âge, dans un système de pensée immuable qui emprisonne le mystère de Dieu dans nos pauvres paroles et concepts, fussent-ils philosophiques, théologiques ou dogmatiques ?

 

 

Un fil rouge traverse toute l’histoire biblique

 

. En Genèse 12,1-2, Abraham est regardé par le  Peuple de la Bible comme l’ancêtre appelé par Yahvé. Deux chapitres plus loin il reçoit la bénédiction du  Dieu-Très-Haut par un  prêtre étranger, Melchisédech (Genèse 14,19-20).

 

. Moïse, sorti d’Égypte avec son peuple libéré, accepte comme conseiller son beau père, Jéthro prêtre de Madian. (Exode 18,13-27).

 

. Les Israélites croient que la Terre promise leur est donnée pour toujours. L’exil, l’occupation étrangère et la diaspora, ébranleront cette certitude.

 

. La dynastie de David a reçu la promesse  de subsister éternellement (1erSamuel 7,16).  Elle disparaîtra avec l’exil.   

 

. On pensait que le Temple de Jérusalem ne serait  jamais détruit. Il le sera à deux reprises. La deuxième fois, définitivement.

. L’idée que la maladie ou le malheur est la punition d’une faute renaît sans cesse. Job refuse cette explication et crie sa révolte. Il est félicité par Dieu contrairement à ses sages contradicteurs (Job 42,8).

 

. Après l’exécution de Jésus et l’annonce de sa Résurrection, les premiers chrétiens attendaient son retour imminent. Il ne revient pas. On finira par situer le retour du Seigneur à la fin de l’histoire.

 

Ce fils rouge traverse aussi l’approche féministe de la Bible

 

. L’image de Dieu est masculine et féminine. Si Adam (l’être humain, mâle et femelle) est présenté en Genèse 1,27 comme créé à l’image de Dieu, cette image ne nous révèle-t-elle rien du modèle ?   Dieu est d’habitude présenté comme un homme. Le voici  avec un visage féminin, comme une mère qui nourrit son enfant (Osée 11,1-9) ou  meilleur qu’une mère qui pourrait oublier son fils (Isaïe 49,15).

 

. Moïse le libérateur est sauvé par des femmes. Aurait-il pu libérer son peuple s’il n’y avait eu sa mère, les accoucheuses des femmes des Hébreux, la sœur de Moïse, la fille de pharaon et ses servantes ? (Exode 2)

 

. Les espions de Josué arrivent à Jéricho. Ils  sont hébergés dans la maison d’une prostituée,  Rahab. Cette étrangère leur fait une leçon de théologie biblique à faire pâlir les scribes d’Israël (Josué 2). 

 

. Des femmes entrent comme  intruses dans les généalogies majoritairement masculines. Elles y sont presque infiniment plus nombreuses que dans l’Annuaire pontifical. Les voici dans la généalogie de Jésus. Toutes sont hors normes et réhabilitées :  Tamar prostituée,  Rahab étrangère et prostituée, Ruth, une Moabite, qui a épousé un juif,  Bethsabée, la femme que David a prise à Urie le Hittite, et Marie, « de laquelle naquit Jésus ».  ( Matthieu 1,1-17).

 

 . Deuxième miracle de Jésus dans l’évangile de Marc (1,29-31) : la guérison de la belle mère de Pierre dont  Benoît XVI est regardé comme le  264ème successeur. 

. La plupart des apôtres étaient mariés. Pourtant, à part Marc, seul Paul, célibataire, en parle dans sa 1ère lettre aux Corinthiens. Il nous apprend que, dans ses voyages missionnaires, Pierre se fait accompagner par son épouse.  Mot-à-mot : par « une soeur épouse »  adelphen gunaika, c’est à dire  « une chrétienne épouse » (1 Co 9,3-6).

 

. Parfois les apôtres essayent de conseiller Jésus. En vain. Une seule fois, il accepte une leçon, et exécute la demande d’une femme, d’une étrangère. Elle le prie de guérir sa fille et remet  ainsi en cause l’affirmation que Jésus vient de faire : «  Je n’ai été envoyé que pour les

brebis perdues du peuple d’Israël ». (Matthieu 15,21-28 ; Marc 7,24-20).

 

. Nous trouvons dans le Nouveau Testament une liste exceptionnelle de  femmes engagées dans l’Église naissante : Phébée diacre (ministre) de l’Église de Cenchrées, Priscille avec son mari Aquila, coopérateurs dans le Christ, Marie qui s’est beaucoup fatiguée pour la communauté, Junie et sa famille de vrais apôtres, Tryphène  et  Tryphose,  deux sœurs  très

engagées, et la « la chère Persis » qui s’est beaucoup fatiguée dans le Seigneur », ainsi que Julie et Nérée et sa sœur.  Qui nous fournit cette liste unique des femmes engagées ?   Personne d’autre que Paul dans la salutation finale de sa lettre aux Romains,   (Rm 16,1-16). Confronté à la vie et à l’action, il a dû mettre en veilleuse ses réflexions humiliantes pour les femmes, faites quelques années plus tôt. La vie commande.

 

Hier, aujourd’hui, demain.

 

Rédigé par jonasalsace

Publié dans #@femmes

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