Publié le 4 Avril 2019
L’intéressante présentation de saint Jérôme (La Croix du samedi 30 mars, p. 17) rapportait une de ses paroles les plus significatives : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ ». Or, pendant tout le deuxième millénaire les chefs de l’Église romaine ont gardé sous scellés la « clef des Écritures » (Lc 11,52). Ils n’ont admis que la version latine de la Bible. Seuls les lettrés pouvaient y accéder. Le peuple en a été tenu éloigné, tandis que les clercs lui servaient des produits de substitution. Les initiatives de Martin Luther et des autres Réformateurs auraient dû alerter la hiérarchie catholique. Mais le concile de Trente y a répondu de la pire manière. Certes, il a reconnu la faim « des brebis du Christ », mais au lieu d’autoriser les traductions, il a demandé aux curés d’expliquer fréquemment les lectures de la messe. En voici le propos le plus stupéfiant : « Bien que la messe contienne un grand enseignement pour le peuple fidèle, il n’a pas cependant paru bon aux pères (du concile) qu’elle soit célébrée ça et là en langue vulgaire » (Denzinger n° 1749).
Cette décision a été une des principales causes du cléricalisme : le peuple était ainsi maintenu dans la dépendance du clergé. S’y ajoutait la doctrine sacrificielle de la messe, selon laquelle le prêtre offre le sacrifice pour le peuple. Il a donc fallu attendre le concile Vatican II pour que les lectures bibliques de la liturgie soient enfin proclamées dans les langues des fidèles et que soit promue la participation active de toute l’assemblée. Dans la mouvance du concile les prêtres de l’époque avaient favorisé la mise en place de cette réforme décisive, veillant à mettre fin au cléricalisme. Mais on observe à présent un retour au pire cléricalisme, comme l’écrivait un lecteur dans le courrier du 1er avril : « certains nouveaux prêtres ont un comportement identitaire par leur vêtement et par leur façon de célébrer ».
Or il y a pire : la Bible est à nouveau cachée à une partie des fidèles. En effet, le concile Vatican II avait pris en considération l’impossibilité de nombreuses communautés de célébrer l’eucharistie. Pour que ces fidèles aient au moins accès à la Parole de Vie, il avait encouragé les célébrations dominicales de la Parole (Constitution sur la liturgie, 35, § 4). Dans un premier temps, les diocèses de France avaient répondu favorablement (Directoire romain de 1988) par la mise en place de telles célébrations. Par la suite, subrepticement, des évêques et des curés mettaient fin à ces initiatives en voulant obliger les fidèles à se déplacer d’une église à l’autres pour entendre la Parole de Dieu, alors que saint Paul et les autres apôtres n’avaient pas ménagé leur peine pour aller vers les communautés. Qui a orchestré ce recul dans l’Église catholique de France ? Les instances romaines ou l’épiscopat ? Que de manœuvres secrètes menées par les chefs de l’Église catholique, qui continuent à tenir le peuple dans l’ignorance, comme au Moyen Âge.
L’apôtre Pierre avait confessé : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle » (Jn 6,68). Avant lui, les prophètes et le psalmiste priaient Dieu en disant « Fais-moi vivre par ta parole » (Ps 118,37). Comment peut-on refuser aux communautés locales et à leurs membres de garnir leur table avec la nourriture la plus substantielle qui soit !
Marcel Metzger, Bas-Rhin