Publié le 20 Mai 2018
L’auteur fait un constat réaliste de l’état du catholicisme européen. Les églises se trouvent à la croisée des chemins, comment rendre la foi crédible dans nos sociétés européennes en mutation pour les aider à suivre l’appel de Jésus ? Assiste-t-on à la fin d’un monde comme l’écrit la sociologue Danièle Hervieu-Léger ? Comment faire émerger des forces de renouveau et de créativité, promesses d’avenir ? « Comment s’engager dans une avance commune vers un avenir inconnu ? »
Un constat s’impose : un seuil de sécularisation a été franchi dans les années soixante avec la montée de valeurs essentiellement hédonistes et individualistes. Aujourd’hui on constate la présence de plus en plus active de l’islam dans la société civile et les revendications identitaires d’un certain catholicisme politique. « On assiste à une crise anthropologique, provoquée par les avancées de la biotechnologie dont le magistère ne s’est pas encore vraiment saisi. Il existe une scène alternative et convivialiste sensible aux enjeux écologiques qui n’attend pas grand-chose de la tradition chrétienne. L’inexorable extension des zones de pauvreté et l’enrichissement indécent des plus riches de nos sociétés est évidente alors que l’Europe est confrontée à un flux ininterrompu des demandeurs d’asile ».
Minoritaires, les Eglises de l’Europe de l’Ouest donnent non seulement l’image d’un groupe fatigué et divisé mais surtout hors de la culture de son temps. La perception du Christianisme européen dans le contexte actuel est floue. Quelle pédagogie à inventer pour rendre crédible sa vision globale du monde dans des sociétés qui semblent retourner vers des modes de vie païens et des sagesses qui ont existé en Occident avant qu’il ne devienne chrétien et qui continuent à exister dans le reste du monde.
L’humanité, sous peine de disparaître, doit désormais se vouloir elle-même comme humaine, individuellement et collectivement.
Le point de départ d’une pédagogie de renouveau peut être l’hospitalité, à l’image de Jésus, accueil et étonnement devant la vie et la création données gratuitement - tout est pour tous – et entrer dans la gratitude. Cette tradition chrétienne, cette manière d’habiter le monde est à même de la faire entrer dans l’émulation entre les traditions spirituelles de l’humanité. Déjà Vatican II a su introduire l’altérité, les autres conceptions du monde, sans renoncer à l’unicité du dessein de Dieu.
L’écoute attentive et renouvelée, un nouvel apprentissage de l’Evangile de Dieu devraient pousser les chrétiens à sortir. Au lieu de cela, les textes sont trop souvent perçus à travers des vérités catéchétiques ou doctrinales ou dans le déploiement de manifestations liturgiques et de ses pratiques éthiques. Il faut rendre l’Evangile transparent pour accéder au dynamisme qui en sourd, cela est une nécessité intérieure pour entrer dans l’intimité de Dieu avec le Christ Jésus. C’est le point de départ pour découvrir la mystique du vivre ensemble, de se mélanger, de se rencontrer, soutenir et participer et faire une véritable expérience de fraternité. Et ceci dans le respect infini qui nous est communiqué par l’Esprit de Dieu pour tout un chacun.
La fraternité ne va de soi, il fut la choisir et appendre à la vivre ; ce choix est un long apprentissage et ce n’est pas uniquement une question de morale ou d’éthique. La fraternité devient mystique ou contemplative quand elle sait regarder la grandeur sacrée du prochain, découvrir Dieu en chaque être humain.
Gratuité, décentrement spirituel et le fait d’être bénéficiaire de la proximité d’autrui sont les piliers de base pour rendre les réalités chrétiennes désirables. On ne peut pas les imposer avec un catéchisme rigide, il faut sortir de la logique de sauvegarde du passé et de la reproduction. Faire le vide d’images reçues et adopter le regard et l’écoute du Christ Jésus. Cela permet d’abandonner l’idée de « nous avons toujours fait ainsi » et être audacieux et créatif en travaillant avec tous les acteurs et groupements de la société civile pour promouvoir une fraternité entre tous.
Les défis à relever appellent à créer un nouvel humanisme européen fait de confiance, d’une foi élémentaire et d’espérance, sans vaine nostalgie. Cette foi est la capacité mystérieuse d’un être de faire crédit à la vie, de rester debout, d’aller au bout de son aventure humaine et devenir sujet.
Il faut toujours partir de la réalité, être à l’écoute, être en permanence en éveil et en créativité, discerner les signes du temps pour éveiller l’image d‘une Eglise experte en humanité face à un catholicisme inquiet de perdre ses repères « de toujours » et surtout « bourgeois » et néolibéral, dépourvu d’une véritable conscience sociale.
Lire les Ecritures et enseigner à partir de l’histoire, inventer une manière d’être en relation et d’agir, créer une fraternité collective.
« Ce n’est qu’en étant devenu attentifs à ce qui advient dans l’existence d’autrui ou, pour le dire théologiquement, à ce que Dieu nous donne effectivement ici et maintenant, que notre capacité technique de résoudre les problèmes peut se laisser susciter à sa juste hauteur. L’enjeu est alors d’entrer avec autrui dans un processus d’interprétation de ce qui arrive et de laisser progressivement se construire une communauté d’interprétation où les mots et les bribes de récits, à tester ensemble, doivent rester au plus près possible du vécu, tout en ouvrant des horizons toujours plus larges : savoir-faire pédagogique ou art qu’une longue fréquentation des récits bibliques et d’autres écrits peut nous communiquer. »
Sous le regard de Dieu, notre Dieu qui n’a qu’un seul mystère à nous communiquer : Lui-même et Lui-même comme notre destinée.
Monika Sander, mars 2018