Publié le 29 Septembre 2012

B.  Des blocages et des reculs

 

Le dynamisme qui a suscité des avancées de la condition des femmes dans le peuple de la Bible est freiné ou rejeté par trois forces réactionnaires.

 

 

1. Des conceptions préscientifiques   

 

Une conception erronée du sang et de la pureté

 

Pour les peuples anciens le raisonnement semblait limpide : le sang c’est la vie. Pourquoi ? Parce que si le sang s’écoule d’un corps, la vie disparaît. Donc « l’être de la chair est dans le sang »  (Lévitique  17,11). La vie est mystérieuse et sacrée. C’est pourquoi  il ne faut pas manger la chair avec son être, c’est à dire avec son sang (Gn 9,4).  Aujourd’hui encore, dans certaines  religions, on égorge les animaux pour les vider de leur sang.

 

Mais les hommes n’ont pas le même rapport avec le sang que les femmes. Le sang des couches ( Lv 12,1-8) comme le sang des règles (Lv 15,19-30) est regardé par la loi comme rendant impur. En effet, selon le Livre du Lévitique, après l’accouchement, la femme doit un certain temps habiter dans le sang de la purification. Pendant ce temps elle n’a pas le droit de toucher d’objet sacré ni de venir au sanctuaire  (12,4). Le temps de la purification dure 40 jours pour un garçon et 84 (!) jours pour une fille (12,3-5).  Cette conception du sang rend la vie des femmes difficile:  Après un écoulement de sang  la femme restera sept jours dans l’impureté de ses règles. Qui la touchera sera impur jusqu’au soir ... Toute couche sur laquelle elle s’étend, tout meuble sur laquelle elle s’assied sera impur et celui qui touchera ce lit ou ce meuble sera impur jusqu’au soir. « Si un homme couche avec elle, il sera impur pendant sept jours ... (Lv 15,19-23).  Comment ne pas être complexée ou culpabilisée ?

 

Une conception erronée de la procréation humaine

 

Pendant des millénaires, et presque universellement, la procréation était comprise selon le modèle agraire. Les « entrailles » des femmes représentaient le champ et l’apport de l’homme la semence enfouie dans le terreau féminin. Dans cette manière de voir la femme ne donne pas l’être à l’enfant, mais fournit seulement la matière pour former l’embryon. 

Au 1er siècle av. JC, l’auteur du livre de la Sagesse présente Salomon évoquant son origine et celle de tous les mortels : Dans la matrice d’une mère j’ai été modelé en chair,  pendant dix mois (lunaires) dans le sang, j’ai pris consistance, à partir de la semence virile et du plaisir, compagnon du sommeil ... (Sg 7,1-3). Dans cette perspective il est normal que l’enfant reçoive le nom du père. C’est pourquoi toutes les généalogies sont masculines. Et pas seulement dans la Bible. 

 

Or depuis plus d’un demi-siècle la génétique et l’embryologie ont progressé à pas de géant. En 1953 : détermination de la structure de l’ADN  En 2003 : annonce de l’achèvement de la carte du génome humain. Au début de son ouvrage, Jésus, fils de Joseph, publié par l’Harmattan en 2003,  Jean Marie Moschetta explique pourquoi  la notion de ‘semence’ est inadéquate : « Chez l’être humain, chaque cellule du corps (à très peu d’exceptions près), contient l’ensemble du code génétique d’un individu (...) la notice de montage complète qui permet de fabriquer un être vivant presque totalement identique (...)  En ce sens la vision archaïque de l’embryologie  dans laquelle une semence localisable organiserait et superviserait la construction du corps à la manière d’un conducteur de travaux est totalement erronée. » (o.c. p.23-24).

 

La génétique moderne  introduit également une remarquable symétrie dans la fécondation humaine. Chez l’homme comme chez la femme le génome humain est composé de 23 paires de chromosomes constituée chacune de deux chromosomes identiques, l’un provenant du père, l’autre de la mère. Il reste cependant vrai qu’au cours de la grossesse la femme fournit l’essentiel de la matière du corps de l’enfant. Mais en revanche toutes les caractéristiques génétiques sont transmises par les deux parents dans d’égales proportions. (cf o.c. p.24-25).

 

Les anciennes conceptions préscientifiques concernant le sang et la fécondation ont été un frein à la promotion des femmes. C’est excusable pour les temps anciens. C’est inacceptable aujourd’hui. 

 

2. L’influence d’une culture étrangère

 

L’hellénisme  

 

En –336, Alexandre, élève d’Aristote, succède à son père Philippe de Macédoine. Il dispose d’une armée redoutable. En treize ans il conquiert un empire qui s’étend  jusqu’aux  rives de  l’Indus  et  jusqu’aux fron

tières de l’Éthiopie. En cours de route (-332) il prend la Palestine. Il meurt à l’âge de 33 ans, après avoir constitué le plus grand empire jamais connu. Cet empire va se diviser.

 

Mais la civilisation grecque, l’hellénisme,  qu’Alexandre  a commencé à diffuser marquera les pays conquis et tout le bassin méditerranéen. Cette influence culturelle grecque concerne la langue, les manières de penser, l’anthropologie, la religion, l’art de vivre, mais aussi une conception négative de la femme. Au 5ème siècle av.JC, Périclès avait fait adopter une loi selon laquelle nul ne pouvait être citoyen athénien s’il n’était pas le fils légitime d’un citoyen et d’une citoyenne. Les femmes étaient donc privées de tout droit. Elle ne sont font pas partie  des fils légitimes.

 

Dans son livre La Bibleau Féminin,  publié par le Cerf en 1990 ( pages 97-112),   Laure Aynard évoque de nombreux documents présentant la vision négative de la femme dans l’hellénisme dans les mythologies, chez les poètes, les philosophes : « Platon avait répandu l’idée que le principe viril incarnait l’esprit et le principe féminin la matière. Aristote en tire une conclusion logique : de même que l’esprit doit commander au corps, l’homme doit commander à la femme. » (Politique III,6).

 

À la base de la discrimination se trouve également la pensée pythagoricienne reposant sur des couples de contraires : défini-indéfini, un-multiple, pair-impair, droite-gauche, mâle-femelle, droit-courbe, lumière-obscurité, carré-oblong. Le premier membre du couple est marqué positivement, le second négativement.

 

Cette influence pernicieuse (en Palestine et aussi dans la diaspora) s’ajoutera à celle du courant «pur et dur » du judaïsme et sera confortée ensuite par la domination romaine  qui accentuera  le rôle du père de famille (paterfamilias), rejoignant ainsi l’ancienne conception patriarcale des Juifs.

 

Deux textes significatifs de la Bible

 

Par la conquête d’Alexandre et ses conséquences le peuple de la Bible est confronté pour la première fois à l’Occident. Malgré de nombreuses résistances, l’hellénisme marquera les Juifs. La plupart des livres de la Bible seront traduits en grec. Concernant la conception de la femme deux ouvrages de cette époque donnent de l’eau au moulin des machistes :

 

1° Qohélet ou l’Écclésiaste : une « première »

 

Cet ouvrage est marqué profondément par l’hellénisme. Il partage la conception grecque d’une

histoire qui tourne en rond  (Qo 1,4-11) ainsi que le regard négatif sur les femmes.  Qohélet  qui est à la recherche du bonheur écrit :  ’Je trouve la femme plus amer que la mort : car elle est un piège, et son cœur un filet et ses bras des chaînes : Qui plaît à Dieu lui échappe, mais le pécheur y est pris.’  (Qo 7,26). C’est la première affirmation biblique que la femme est mauvaise en soi. Ceci au 3ème siècle av. JC.

 

2° Le Siracide ou l’Écclésiastique : un « verset satanique »

 

Vers -180, un sage, Jésus, fils de Sirac, écrit en hébreu un ouvrage qui sera traduit en -132 par son petit fils.  L’ouvrage qui comporte de nombreux conseils judicieux est cependant entaché par un verset terrible concernant « la » femme :  À partir de la femme a commencé le péché et c’est à cause d’elle que tous nous mourrons. (Si 25,24).

 

Ce verset constitue un tournant malheureux dans la manière de considérer le femme dans la Bible. C’est la première fois qu’un auteur biblique commente le récit de Genèse 3,1-24 (la « chute ») en présentant  « la femme » comme étant à l’origine du péché et de la mort.  On peut parler de « verset satanique », non seulement  parce qu’il gomme le rôle de Satan dans le récit de la Genèse, mais aussi à cause de toutes les conséquences qu’on en tirera.  S’il n’y avait pas ce verset, tout ce que l’auteur dit sur les femmes serait l’écho de simples expériences ou constatations  qui d’ailleurs deviennent positives au début du chapitre 26. Mais ce verset fournit un fondement théologique à l’antiféminisme dont il faudra des siècles, plutôt des millénaires, pour se libérer. [1]  

                                         

                                                   

3. La pénétration de cette pensée dans les écrits du  Nouveau Testament

 

L’exemple de Jésus a-t-il été suivi ?

 

Pendant sa brève vie publique Jésus de Nazareth a pris une attitude résolument positive et nouvelle vis-à- vis des femmes. Jamais auparavant, à l’exception du Cantique des Cantiques, un personnage de la Bible  n’avait eu cette audace. On peut dire qu’il s’agit d’une nouveauté absolue dans la vie concrète, d’un commencement, d’un exemple à suivre, d’une voie ouverte.

Force est de constater que les disciples de Jésus ne se sont pas engouffrés d’emblée sur cette voie. Pourtant  les contemporains de Jésus qui ont transmis  leur  expé

rience et ceux qui, plus tard, ont écrit les quatre évangiles n’ont pas occulté cette audace du Maître. C’est grâce à eux que nous pouvons rejoindre l’attitude prophétique de Jésus à l’égard des femmes.

 

En revanche un certain nombre de lettre écrites par Paul, ou attribuées à lui, se situent en prolongement de l’influence hellénistique, utilisent volontiers le récit du jardin (Gn 2) et de l’origine du mal (Gn 3) et rarement le poème de la création (Gn 1) qui accorde une dignité égale à l’homme et à la femme. 

 

Que l’on s’entende bien, il n’est pas question de juger l’ensemble de l’oeuvre de Paul. C’est en grande partie grâce à lui que la bonne Nouvelle  est passée aux Nations et aussi chez nous. Mais cela ne doit pas nous aveugler et nous empêcher  de relever des propos et des  méthodes de réflexion, qui tout en ayant fait leur temps, continuent à avoir des effets désastreux aujourd’hui.  

 

Deux textes significatifs de Paul 

 

 Que les femmes viennent à l’assemblée la tête couverte (1 Corinthiens 11, 2-17).

 

Déjà le voile ! Il n’est pas choquant qu’en l’an 54 de notre ère Paul demande aux femmes de venir couvertes à la prière. Ce qui est choquant c’est la manière dont il cherche à justifier les propos, les méthodes, les principes et les raisonnements  qu’il utilise pour avoir raison.  

 

Paul commence par affirmer le principe : Je veux que vous sachiez ceci :  La tête (le chef) de tout homme c’est le Christ. La tête (le chef) de la femme c’est l’homme. La tête (le chef) du Christ c’est Dieu. (v.3). Voilà la hiérarchie bien établie, l’ordre voulu par Dieu : en bas la femme, au-dessus l’homme, au-dessus le Christ, au-dessus Dieu. L’un étant le chef ou la tête de celui qui est en-dessous. D’ailleurs : Tout homme qui prie ou prophétise la tête couverte fait affront à sa tête ( donc au Christ). Toute femme qui prie ou prophétise la tête découverte fait affront à sa tête  (donc à l’homme (v.4).  Paul continue ironiquement :  C’est comme si elle était tondue. Première conclusion  logique : Si donc une femme ne met pas de voile, alors qu’elle se coupe les cheveux ! Deuxième conclusion de Paul pour arriver à ses fins :  Mais si c’est une honte d’avoir les cheveux coupés ou tondus, alors qu’elle mette le voile. (v.5-6).

 

L’homme ne doit pas se couvrir la tête, parce qu’il est l’image et le reflet (la gloire) de Dieu. Quant à la femme, elle est le reflet (la gloire) de l’homme. (v.7).

Paul fausse ici le poème de la création qui affirme que l’homme et la femme sont créés  ensemble à l’image et à la ressemblance de Dieu (Gn 1,26-26), c’est-à-dire qu’ils sont l’un et l’autre et ensemble « reflet » de Dieu.

 

Puis Paul se réfère à sa source préférée, le récit  de  Genèse 2-3, qui est  plus ancien que le poème de Genèse 1,1-2,4a.  : Ce n’est pas l’homme, en effet qui  été tiré de la femme, mais la femme de l’homme et ce n’est pas, bien sûr, l’homme qui a été créé pour la femme, mais la femme pour l’homme. (v.8-9). Comme si cela n’était pas encore assez clair, Paul insiste :  C’est pourquoi la femme doit avoir sur sa tête une’ exousia’ à cause des anges . (v.10).

 

Ce verset est ambigu. Le mot grec exousia signifie « autorité, pouvoir » et peut avoir une double interprétation : soit il s’agit d’un pouvoir qui domine la femme, soit il s’agit d’un pouvoir donné à la femme. Dans le premier cas on traduirait : elle doit avoir sur la tête un signe de soumission ce qui correspond a la hiérarchie évoquée dans les versets précédents.  Dans le second cas on pourrait envisager un pouvoir à exercer par les femmes. On traduirait en signe de pouvoir. Ceci correspondrait à l’usage du mot exousia dans le Nouveau Testament,  comme par exemple le pouvoir sur les démons (Mt 10,1 ; Mc 6,7 ; Lc 9,1) ou le pouvoir de faire des miracles (Mc 3,15 ; Lc 10,19 ; Ac 8,19 ; Ap 11,6). On pourrait alors en conclure à un pouvoir donné aux femmes comme celui donné aux apôtres.

 

Il ne faut pas oublier que Paul dictait ses lettres. Une phrase, une fois dictée et écrite, ne peut guère être supprimée, mais peut être corrigée par d’autres réflexions. Paul, qui a dû se rendre compte qu’il est allé trop loin, nuance les affirmations antiféministes du début du chapitre : D’ailleurs, dans le Seigneur, la femme ne va pas sans l’homme, ni l’homme sans la femme, car si la femme a été tirée de l’homme, l’homme à son tour naît de la femme, et tout vient de Dieu. (1 Co 11,11).

 

Puis Paul  revient à sa préoccupation vestimentaire en faisant appel à «  la nature » comme les stoïciens :  Jugez-en vous-mêmes. Est-il décent que la femme prie Dieu la tête découverte ? La nature elle-même ne vous enseigne-t-elle pas que c’est une honte pour l’homme de porter des cheveux longs, tandis que c’est une gloire de les porter ainsi ? Car la chevelure lui a été donnée en guise de voile. (v.13-15).

 

Voici Paul empêtré dans son raisonnement. En effet si la  chevelure  est  donnée  en  guise  de voile,  pourquoi

alors mettre un voile ?  Paul est pourtant assez fin pour sentir venir  cette objection :  En reste, si quelqu’un veut ergoter, tel n’est pas notre usage, ni celui des Églises de Dieu. (v.16).  Argument décisif et sans appel qui a traversera l’histoire et franchira résolument le cap du 3ème millénaire. . 

 

 Que les femmes se taisent dans l’assemblée  (1 Co 14,34-39)    

 

Ces versets font suite à des règles pratiques au sujet des charismes (v.26-33). Le souci de Paul c’est que les assemblées se passent dans l’ordre (v.33). Il indique une règle commune : Comme dans toutes les églises des saints que les femmes se taisent dans l’assemblée.  Pourquoi doivent-elles se taire ? Parce qu’il ne leur est pas permis de prendre la parole.  Paul fait appel à la loi : Qu’elles se tiennent dans la soumission comme la Loi le dit  (v.34).

Mais on ne connaît aucune loi qui interdise aux femmes de parler dans l’assemblée. Peut-être Paul se réfère-t-il  à une de ses sources préférée, le récit de  la chute où il est dit : Ton mari dominera sur toi (Gn 3,16). Cette domination fondant la soumission de la femme au mari doit s’exercer également  hors de l’assemblée :  Si les femmes désirent apprendre quelque chose, qu’elles interrogent leur mari à la maison.  Pourquoi ? Car il n’est pas convenable  pour une femme de parler dans une assemblée (v.35).  Pourtant dans la même lettre,  Paul laissait entendre qu’une femme peut  prier et prophétiser (11,5). [2]

 

Heureusement que, par ailleurs, l’enseignement de Paul  Il n’y a ni homme ni femme, car  vous ne faites qu’un dans le Christ Jésus (Galates 3,28), ainsi que sa pratique permettent de nuancer ses textes machistes. Les Actes des Apôtres évoquent ses liens avec Lydie la marchande de pourpre de Thyatire (Actes 16,11-15), et ses relations suivies avec Priscille et son mari Aquilas de Corinthe (Ac 18,1-4)...  N’empêche que certaines réflexions de Paul  influeront fortement  l’élaboration de la théologie, de la législation, des mentalités et des structures d’Église que nous  connaissons.

     

Voici – à titre d’exemple- l’utilisation d’une telle exégèse par un pape :  Honorius III (de 1216 à 1227) demande aux évêques de Burgos et de Valence (Espagne) d’interdire aux Abbesses de parler du haut de la chaire, cela était réservé aux hommes. Il explique ainsi son  refus : « Car les lèvres (des femmes) portent  les stigmates  d’Ève, qui par ses paroles a scellé le sort de l’homme. »

 

Heureusement que  l’expérience nous apprend que dans l’histoire rien n’est jamais bouclé définitivement. Si c’était le cas on aurait réussi à mettre l’Esprit en cage. Et Saint Pierre pourrait glisser ses clés sous le tapis.   



[1] cf. Découvrir... p. 240-242.



2] voir Découvrir...p 118 et 127

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Rédigé par jonasalsace

Publié dans #@femmes

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Publié le 29 Septembre 2012

Or, c’est très probablement pendant cet exil que fut composé ce poème de la création en sept strophes, ou jours, qui ouvre toutes nos Bibles aujourd’hui.  L’auteur connaissait certainement le récit du jardin. Il ne le reprend pas. À situation nouvelle regard nouveau :  « Vous n’avez plus de Temple. Mais vous pouvez trouver Dieu dans le temple de la création. Vous êtes regardés comme des moins que rien. mais vous avez une dignité insoupçonnée! Vous êtes au milieu d’étrangers, mais eux aussi partagent cette dignité ! » 

 

Le sixième  jour est consacré à la création des animaux puis de l’être humain placé au sommet de la création :  Dieu délibère  avec lui-même :

 

«  Faisons  l’Adam (l’être humain, l’Homme, l’Humanité)  à notre image et selon notre ressemblance . Qu’ils dominent sur le poisson de la mer, l’oiseau des ciels, le bétail sur toute la terre... »

Dieu créa l’Adam  à son image.  À l’image de Dieu il le créa

Homme (mâle, zakar) et femme (femelle, neqébah) il les créa.

Dieu les bénit et leur dit :

« Fructifiez, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la... » ( Gn 1,26-31).

 

Ce texte propose aux exilés un regard nouveau, élargi et approfondi, sur la création et sur l’Humanité faite d’hommes et de femmes.  On ne parle plus d’aide féminine, d’antériorité de l’homme, de mission confiée uniquement à l’homme. 

 

Concernant les femmes les avancées sont indéniables :

 

a)  La dignité de l’Adam  (homme/femme, Humanité) : image et ressemblance de Dieu. Le premier auteur avait présenté un Dieu à l’image de l’homme. Ici on suggère l’inverse.

 

b) L’égalité de l’homme et de la femme créés ensemble, par une même parole créatrice.

 

c) La mission commune. Les hommes et les femmes sont ensemble responsables de la terre et des  vivants.

 

d) L’universalité. Ce message n’est plus lié à une société précise, mais peut traverser les espaces,  les temps et nous rejoindre. [1]

 

Une question se pose : Pourquoi ce changement de regard ?  L’échec des institutions en place (notamment la Royauté)  et l’épreuve de l’exil y ont certainement contribué. Mais tout est loin d’être gagné. Dans la suite



[1] cf.  Découvrir... p.24-25

 

Parmi les livres fondateurs des religions, la Bible est le seul qui présente la « révélation » ou la « découverte » de Dieu dans un long processus historique. Concernant la place des femmes dans la société (et dans la religion liée étroitement à la société à cette époque), cette histoire comporte des avancées (A), des reculs (B) et invite à découvrir l’humour de l’Esprit ? (C). Nous nous arrêterons à quelques données essentielles. Mais on pourrait en relever bien d’autres...

 

 

A- Des avancées

 

1. L’évolution positive de la conception de la femme dans les textes sur la création (entre le 9ème et le 6ème siècle av. JC)

 

Dans les deux premiers chapitres de la Genèse, les auteurs expriment comment ils se représentaient les origines du monde, de la vie et de l’être humain, de la femme.  Le chapitre 2, le récit du jardin,  est le plus ancien. Il peut remonter aux environs du 9ème siècle avant JC.  Le chapitre 1, le poème de la création, peut être daté du temps de l’exil au 6ème siècle av. JC. Lire ces textes dans l’ordre dans lequel ils ont été écrits nous permet de découvrir l’évolution de la pensée entre ces deux époques. 

 

Le récit du jardin (Genèse 2,4b-25)

 

Quand ce récit fut composé les Israélites étaient établis sur leur terre. Ils vivaient de l’agriculture et de l’élevage. Ils appelaient Dieu « Yahvé » et essayaient de se le représenter comme un être humain, travaillant de ses mains.

 

Yahvé Dieu modela l’homme (Adam) avec de la poussière prise du sol (adamah).  Il souffla dans ses narines une respiration de vie...Yahvé Dieu  planta un jardin en Éden... Il prit  l’homme et leplaça dans le jardin pour servir le sol et le garder ... Il dit :« il n’est pas bon pour l’homme d’être seul, je veux lui faire une

aide qui soit comme son vis-à-vis ».   Puis, Yahvé Dieu modela du sol toute bête des champs et tout oiseau des cieux pour voir comment l’homme les appellerait... Mais pour l’homme on ne trouva pas d’aide qui soit comme son vis-à-vis ». Après avoir fait oeuvre de potier, Dieu devient anesthésiste (il fait dormir l’homme), puis chirurgien (il en retire une côte) et enfin architecte :  À partir de la côte qu’il avait prise il bâtit une femme.  Il la fit venir vers l’homme, à qui on doit le premier chant d’amour de la Bible  : Celle-ci, cette fois, c’est l’os de mes os et la chair de ma chair, celle-ci.  On l’appellera femme (ishah) car c’est de l’homme (ish) qu’elle a été prise, celle ci !  C’est pourquoi l’homme quitte son père et sa mère. Il s’attache à sa femme et ils deviennent une seule chair. Ils étaient nus tous les deux, l’homme et sa femme, et ils n’en avaient pas honte. (Gn 2,4b-25).  

 

Dans ce récit, un certain nombre de données suggèrent une infériorité de la femme par rapport à l’homme : celui-ci reçoit seul la mission par rapport au monde : nommer (= dominer) les animaux, servir et garder le sol. La femme est créée après l’homme, à partir de l’homme et pour l’homme comme une compagne et une aide. On l’appellera par le mot ‘homme’ (ish)  au féminin (ishah) « l’hommesse ».

 

Néanmoins  un certain nombre d’indicateurs positifs apparaissent déjà :  La femme n’est pas seulement regardée comme une aide, mais aussi comme le seul « vis-à-vis » de l’homme. Elle n’est pas modelée par un potier comme ce fut le cas pour Adam, mais bâtie par un architecte. Elle est accueillie par un chant d’amour : « La chair de ma chair ! »

 

Le poème de la création (Genèse 1,1-2,4a)

 

Entre rédaction du chapitre 2 et la composition du poème du chapitre 1, plusieurs siècles se ont écoulés. En 587 av. JC, Nabuchodonosor, roi de Babylone,  prend Jérusalem pour la deuxième fois. Toutes les certitudes sont ébranlées. La Royauté de David s’écroule. Le Temple est en ruine. La Terre promise est aux mains des étrangers. Une partie du peuple est en exil à Babylone.

Or, c’est très probablement pendant cet exil que fut composé ce poème de la création en sept strophes, ou jours, qui ouvre toutes nos Bibles aujourd’hui.  L’auteur connaissait certainement le récit du jardin. Il ne le reprend pas. À situation nouvelle regard nouveau :  « Vous n’avez plus de Temple. Mais vous pouvez trouver Dieu dans le temple de la création. Vous êtes regardés comme des moins que rien. mais vous avez une dignité insoupçonnée! Vous êtes au milieu d’étrangers, mais eux aussi partagent cette dignité ! » 

 

Le sixième  jour est consacré à la création des animaux puis de l’être humain placé au sommet de la création :  Dieu délibère  avec lui-même :

 

«  Faisons  l’Adam (l’être humain, l’Homme, l’Humanité)  à notre image et selon notre ressemblance . Qu’ils dominent sur le poisson de la mer, l’oiseau des ciels, le bétail sur toute la terre... »

Dieu créa l’Adam  à son image.  À l’image de Dieu il le créa

Homme (mâle, zakar) et femme (femelle, neqébah) il les créa.

Dieu les bénit et leur dit :

« Fructifiez, multipliez, remplissez la terre et soumettez-la... » ( Gn 1,26-31).

 

Ce texte propose aux exilés un regard nouveau, élargi et approfondi, sur la création et sur l’Humanité faite d’hommes et de femmes.  On ne parle plus d’aide féminine, d’antériorité de l’homme, de mission confiée uniquement à l’homme. 

 

Concernant les femmes les avancées sont indéniables :

 

a)  La dignité de l’Adam  (homme/femme, Humanité) : image et ressemblance de Dieu. Le premier auteur avait présenté un Dieu à l’image de l’homme. Ici on suggère l’inverse.

 

b) L’égalité de l’homme et de la femme créés ensemble, par une même parole créatrice.

 

c) La mission commune. Les hommes et les femmes sont ensemble responsables de la terre et des  vivants.

 

d) L’universalité. Ce message n’est plus lié à une société précise, mais peut traverser les espaces,  les temps et nous rejoindre. [1]

 

Une question se pose : Pourquoi ce changement de regard ?  L’échec des institutions en place (notamment la Royauté)  et l’épreuve de l’exil y ont certainement contribué. Mais tout est loin d’être gagné. Dans la suite

nombre d’auteurs « machistes » reviendront exclusivement au récit du jardin, d’autant plus volontiers, qu’il est prolongé par celui de la « la chute » (Genèse 3).

2.  Les réactions contre un courant rigoriste, anti-féminin et raciste dans le judaïsme d’après  -450

 

Tentatives d’épurations 

 

Cela se passe au temps des occupations étrangères de la « Palestine » : par les Perses jusqu’en -333, les Grecs (hellénisme) jusqu’en - 63, puis les Romains. Malgré cette domination étrangère, les grands prêtres restent les chefs du peuple. Au milieu du 5ème siècle, sous le gouverneur Néhémie, les remparts de Jérusalem sont reconstruits et une réforme sociale est réalisée avec succès (Né 5,1-19). Après cette réforme, Esdras, « un scribe versé dans la loi de Moïse », entreprend une réforme religieuse (Esd 1,1-5). Grâce à l’appui du roi perse, la loi juive (la Torah) devient Loi d’État : le sabre et le goupillon. Déjà ! Esdras en profite pour procéder à une « épuration » et débarrasser le peuple des femmes étrangères ayant épousé un Juif, ainsi que de leurs enfants. (Es 7,1-10,44). Ses consignes à l’égard des étrangers sont claires et montrent jusqu’où peut aller le racisme et l’antiféminisme, même dans le peuple de la Bible. Ce qui est en cause c’est la pureté du peuple :  «  Ne donnez pas vos filles à leurs fils et ne prenez pas leurs filles pour vos fils. Ne recherchez jamais, ni leur paix, ni leur bonheur, pour que vous deveniez forts, mangiez les meilleurs fruits de la terre et en fassiez hériter vos fils pour toujours. » (Esd 9,12). 

 

Réactions vigoureuses  

 

L’intégrisme d’Esdras ne fait  pas l’unanimité. Les écrits bibliques de cette époque en témoignent. Les trois seuls livres de la Bible portant un nom féminin voient le jour : Ruth, Judith et Esther. Ruth, l’étrangère est présentée comme l’arrière grand mère de David (Ruth 4,17). La veuve Judith use de ses charmes pour décapiter le général Holopherne qui assiège Béthulie (Jdt 6-10). la reine juive Esther mariée à un roi perse sauve son peuple, sans oublier Vasthi, la reine perse tombée en disgrâce. Elle avait osé désobéir à son mari aux yeux de tous les grands officiers. Il fallait l’écarter, car dit le roi : « Sa façon d’agir ne manquera pas de venir à la connaissance de toutes les femmes qui n’en seront que plus portées à mépriser leurs maris, dans leur for intérieur » (Est 1,17). On peut y joindre : l’histoire de  Suzanne par laquelle se dévoile la perversion de deux vieux juges ( au chapitre 13 du livre de Daniel) et le Cantique des cantiques,  seul  livre  que

certains biblistes osent attribuer à une femme et qui place l’amour au-dessus de toutes les conventions sociales. Quoi qu’il en soit il s’agit de l’unique livre de la Bible où les personnages féminins et masculins disposent d’un temps de parole presque identique. L’auteur du livre de Jonas ridiculisant le chauvinisme du prophète Jonas, ainsi que les dialogues de Job remettant radicalement en cause les idées reçues, comme  « Tu es malade parce que tu as péché », s’inscrivent également dans ce courant  subversif.

 

Il est intéressant de constater que, dans cette réaction contre le judaïsme pur et dur, la promotion des femmes et l’ouverture à l’étranger se donnent la main.

 

 

3. Troisième et suprême avancée : La vie et l’action de Jésus de Nazareth  

 

La situation des femmes

 

Malgré quelques avancées, la vie des femmes israélites au début de notre ère reste marquée par la discrimination. La femme est soumise au père, puis au mari dont elle est la possession et qui peut la répudier.  Elle ne peut ni gérer ses biens, ni hériter. Elle est soumise à de nombreux interdits et tabous concernant la pureté, qui rendent sa vie pénible. Son accès au Temple est limité au « parvis des femmes ». Elle n’a pas le droit d’intervenir pendant le culte de la synagogue...  Au 2ème siècle de notre ère Rabbi Yehyda demandera aux juifs de prononcer chaque jour la louange :  « Loué sois-tu de ne pas m’avoir fait femme, car la femme n’est pas  tenue aux commandements... »   Dans les villes importantes la femme est souvent cloîtrée dans la maison. Son domaine s’arrête à la porte de la cour. Dans la campagne, en revanche,  les femmes sont plus libres d’aller et de venir. Le moins qu’on puisse dire c’est que lorsque Jésus commence à agir l’air du temps n’est pas à la promotion féminine. 

 

Le temps de la Parole vivante

 

Une autre donnée caractérise cette période de l’histoire biblique :  le dernier ouvrage en date de l’Ancien Testament, le livre de la Sagesse, a été rédigé   entre les années 50 et 30 avant notre ère. Le premier écrit du Nouveau Testament date de l’an 51. Il s’agit de la première épître de Paul aux Thessaloniciens. Pendant près d’un siècle, c’est le silence de la Parole écrite. Mais c’est aussi le temps de la Parole vivante, comme l’affirme clairement, autour de l’an 70, l’épître aux Hébreux :  Après avoir à maintes reprises et sous maintes formes, parlé jadis aux pères par les prophètes, Dieu, en ces jours qui sont les derniers nous

a parlé par un Fils qu’il a établi héritier de tout et par qui aussi il a créé les mondes ... (Hé 1,1-2).

 

On peut se réjouir de ce que dans les dernières décennies, les recherches concernant le « Jésus de l’histoire » ont été réhabilitées et ont progressé rapidement.

 

Jésus à Nazareth

 

Jésus ne vit pas en ermite dans le désert, comme Jean Baptiste. Il mène une vie normale dans une famille habitant le petit village de Nazareth en Galilée. Tout le monde voit en lui le fils de Joseph et de Marie. Il a, selon toute vraisemblance, des frères et des soeurs. Le Nouveau Testament en parle à plusieurs reprises (en Mc 3,31-35 ; 6,3 ; Mt 13,35 ; Jn 2,12 ; 7,3.4.10 ; Ac 1,14 ; 1 Co 9,5 ; Ga 1,19).  A cette époque une famille nombreuse était regardée comme une bénédiction de Dieu. Pour les historiens, comme pour les auteurs bibliques, les  frères et sœurs de Jésus ne posent  pas de problème. Il n’en est pas de même pour la dogmatique établie dans la suite.

 

Jésus passe les 9/10èmes de sa vie à Nazareth : l’enfance, l’adolescence, la jeunesse et une grande partie de sa courte vie d’adulte. Comme Joseph il devient  tekton,  c’est à dire menuisier, charpentier, peut être aussi charron. Ce métier le met en  relation avec beaucoup de monde. À Nazareth il découvre la vie et le travail des femmes. Il voit  sa mère chercher l’eau à la fontaine, préparer la pâte, assaisonner la nourriture avec des épices, réparer des vêtements, chercher une pièce d’argent perdue. Peut-être est-il choqué  par l’arsenal de règles de pureté qui accablent la vie des femmes, les rendent régulièrement  impures et les marquent de complexes et d’un sentiment d’infériorité. Peut-être prend-t-il  conscience de la place secondaire qui leur est réservée dans la société et dans la religion. À cette époque il est  normal qu’un  homme adulte soit marié. Nous n’avons aucune preuve pour affirmer que Jésus est resté célibataire. Nous n’en avons pas non plus pour affirmer qu’il était marié.

 

Pendant sa vie itinérante entre les années 28 à 30

 

Quand Jésus quitte Nazareth pour annoncer la Bonne Nouvelle,  sa  famille  voit  son  action  d’ un   mauvaisœil  : Les siens partent pour se saisir de lui, car disent-ils : ‘Il a perdu le sens.’  (Mc 3,21).  Les rapports entre Jésus et sa famille se tendent au cours de sa vie publique. D’après les Évangiles, chaque fois que sa mère, ses frères et soeurs veulent le voir, ils se heurtent à une fin de non-recevoir (Mc 3,31-35). On voit mal les premier chrétiens inventer dans la suite une telle attitude irrespectueuse de Jésus envers sa famille.

 

Il est clair que des femmes suivent Jésus tout au long de sa vie publique, de la Galilée à la croix (Lc 8,1-3 ; 23,49). Cela signifie que  le rabbi Jésus les accepte comme disciples, à la différence des autres rabbis qui n’ont que des disciples masculins. Il s’agit d’une nouveauté extraordinaire, dont on est loin d’avoir tiré toutes les conséquences.

 

Lors de sa vie itinérante, Jésus  rencontre des femmes, accueille des mères  avec leurs enfants, adresse la parole à des femmes seules (la Samaritaine), discute avec une étrangère  (la Cananéenne) rencontre des pécheresses notoires, se laisse toucher par une femme impure à cause d’un flux de sang et devient ainsi lui-même impur. Il a un pied-à­­-terre à Béthanie chez des amis : Marthe, sa soeur Marie et leur frère Lazare. 

 

Jésus supprime les tabous concernant les femmes, notamment les règles de pureté qui rendent leur vie, déjà dure, encore plus pénible. Il subordonne toutes les lois à celle de l’amour de Dieu et du prochain. Au risque de s’attirer les foudres des autorités il  affirme sans broncher que les prostituées précéderont les grands prêtres dans le Royaume de Dieu (cf. Mt 21,31).

Jésus ne parle  pas comme les scribes et les pharisiens. Il utilise un langage nouveau  accessible  même à ceux, et surtout à celles, qui n’ont ni appris à lire ni étudié la loi.  Il enseigne en paraboles, des histoires que l’on écoute avec intérêt et qui font réfléchir. Il proclame des  béatitudes accessibles à tous et à toutes.  On ne connaît aucune parole de Jésus qui utilise des textes de la tradition biblique pour abaisser les femmes.

 

La présence des femmes lors de son exécution et au tombeau le matin de  Pâque est un signe de leur affection et de leur fidélité. [2]  

 

Après la mort de Jésus

 

Que vont faire les premiers chrétiens après la mort et l’annonce de la résurrection de Jésus? Comment les auteurs du Nouveau Testament vont-ils se situer des dizaines d’années après le « temps de la Parole vivante »? Vont-ils faire leur, voire même accentuer, cette ouverture de Jésus face aux femmes? Ou bien d’anciens démons resurgiront-ils pour freiner le dynamisme qu’il a initié?  



[1] cf. Découvrir... p. 177-182

 



[2] cf.  Découvrir... p.24-25

 

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Rédigé par jonasalsace

Publié dans #@femmes

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Publié le 29 Septembre 2012

La tentation d’utiliser la Bible comme un arsenal d’arguments pour prouver une thèse est de toutes les époques. 0n pourrait ainsi faire de la Bible un manuel antiféministe, machiste, sexiste à partir duquel on justifierait tous les machismes civils et religieux d’aujourd’hui.

 

On pourrait, à l’inverse,  faire de la Bible un manifeste pour la  promotion féminine. On rassemblerait les grandes figures comme Sara, Anne, Judith, Esther, bien d’autres, et Marie, la nouvelle Ève, évidemment. Cette intention est louable. Mais elle repose sur deux attitudes critiquables : d’une part,  l’occultation de nombreux  textes nettement antiféministes existants dans la Bible et, d’autre part, un souci exagéré de vouloir défendre la cause féminine par des textes bibliques.    

 

Une troisième voie est possible. Elle se situe dans une autre perspective. Elle consiste à examiner de près les textes bibliques concernant les femmes,  à situer ces textes dans l’histoire, les uns par rapport aux autres, afin de  mettre au jour les contradictions, les tensions, les avancées et les reculs de la promotion féminine dans le peuple et dans les écrits de la Bible. C’est la voie que nous suivrons. Nous essayerons ainsi de découvrir le dynamisme de l’histoire des femmes de la Bible. [1]

 

Une telle démarche invite aussi à une lecture équitable de la Bible.  C’est une question de justice ! En effet,  le texte biblique fut écrit par des hommes, mais la vie qui est à la racine du texte fut vécue par des hommes et des femmes. Les auteurs bibliques nous livrent  les nom d’environ 170 d’entre elles. De prime abord on peut penser que c’est déjà  pas mal. Mais, si on compare ce chiffre au nombre de personnages bibliques masculins portant un nom, on déchante. Ils sont près de 2900. Le rapport est  édifiant : une femme pour dix-sept hommes. Faut-il rappeler que dans la mentalité sémitique quelque chose ou quelqu’un n’existe vraiment que quand il a un nom ? On peut imaginer l’influence inconsciente et l’utilisation antiféministe possible de ce déséquilibre.

 

La lecture équitable suppose aussi une attention à toutes les femmes de la Bible celles qui n’ont pas de nom, comme la femme de Noé... ou  les 700 femmes du  harem de Salomon... et toutes celles que la Bible ne mentionne pas, mais qui étaient bien vivantes et auxquelles certaines expressions,  comme « toute la communauté » ou « tout Israël »,  pourraient faire allusion. Le peuple de la Bible n’était pas un clan d’hommes célibataires.



[1] C’est ce que j’ai essayé de faire dans mon livre Découvrir toutes les femmes de la Bible, 426 p. édité au Québec  par Novalis en 2007. La démarche de cet ouvrage est en partie à la base de cet article. Des notes y renverrons avec l’indication : cf. Découvrir... page...

 Pour tout renseignement s’adresser à Albert Hari .Tel : 03 88 61 09 83 ou Fax : 03 88 31 26 75.

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Rédigé par jonasalsace

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