Publié le 21 Février 2015

 

Qu’il me soit pardonné d’usurper dans cet article le statut d’évêque pour relever le multiple préjudice qu’entraînepour l’image de l’Église dans notre société et pour sa propre gouvernel’emploi anachronique du titre de « Monseigneur » ! Ce détour personnalisé facilitera peut-être le propos et en concrétisera la portée. De fait, le christianisme charrie maintes coutumes plus discutables que cette appellation ; mais, aux antipodes des valeurs qu’elle est censée honorer, celle-ci apparaît aujourd’hui particulièrement désuète et plus que jamais décalée par rapport à l’Évangile. Nombre de « Monseigneurs » en conviendront – j’en suis sûr.

 

***

 

« Je sais bien que ce n’est pas mon individu que ce titre honore, mais le ministère dont je suis chargé. C’est à l’Église tout entière qu’il est ainsi rendu hommage. Aussi ne m’appartient-il pas, ni à aucun de mes confrères, de refuser pour convenance personnelle cette appellation qui relève d’une longue histoire et transcende nos personnes. Et pourtant, je demande de ne plus être appelé « Monseigneur » !

 

« Bien que j’aie toujours récusé les honneurs dans l’Église, j’avoue avoir été touché lorsque j’en ai bénéficié à mon tour. N’avais-je pas, sous couvert de service et comme d’autres sans doute, rêvé de l’aura entourant les hautes fonctions ecclésiastiques ? Sagement, l’humilité commande aux dignitaires de ne pas accorder trop d’attention à la déférence qui leur revient. En prenant ma place dans la succession apostolique, c’est donc en toute modestie que j’ai fini par m’habituer à la mitre et aux rituels séculaires qui l’accompagnent.

 

« Mais jusqu’où assumer l’héritage ? La symbolique véhiculée par ces honneurs s’étant perdue, ne faut-il pas renoncer à un usage qui s’est dégradé en banale mondanité aux yeux de nos contemporains ? C’est la crédibilité même de l’Église qui, hors de nos communautés, est aujourd’hui menacée par un affichage et des cérémonies qui offensent la foi évangélique. Et plus dramatique encore : le décorum ecclésiastique mis en scène par nos manières et nos rites atteint jusqu’à la perception de Dieu qui s’offre à travers la religion, brouillant gravement le message originel du christianisme.

 

« La divinité est imaginée à l’image des rois, le faste de la cour céleste est construit à l’avenant, et nos pratiques en fournissent depuis des siècles une transposition qui doit légitimer la suprématie du domaine religieux. Mais le monde a changé tandis que nous restons entravés dans un passé indûment sacralisé au profit de nos institutions, et dans une conception archaïque de la divinité. Notre Dieu n’occupe pas les trônes que l’humanité s’obstine depuis toujours à ériger à ses dieux comme à ses rois. Nos représentations, notre langage et notre gestuelle sont à repenser.

 

« Comme la parole ne peut se communiquer qu’à travers des langages, l’Église ne peut se perpétuer qu’à travers des institutions. Et toutes les institutions ayant tendance à sacraliser les pouvoirs qui les gouvernent, l’Église a absolutisé l’autorité ecclésiastique en l’assimilant à l’autorité divine. Mais, paradoxe : les responsabilités d’ordre évangélique, tout en étant des plus éminentes, constituent en un sens le moins sacré de tous les pouvoirs – le moins « séparé » –, parce que foncièrement subordonné à l’humble service des hommes, et des plus petits en priorité.

 

« Vous savez que ceux qu’on regarde comme les chefs des nations leur commandent en maîtres et que les grands leur font sentir leur pouvoir. Il ne doit pas en être ainsi parmi vous : au contraire, celui qui voudra devenir grand parmi vous se fera votre serviteur, et celui qui voudra être le premier parmi vous se fera l’esclave de tous. » (Mc 10, 42-43). Adressé par Jésus aux disciples qui allaient fonder et conduire les premières communautés chrétiennes, ce précepte vaut toujours et se passe de commentaire. À suivre, tout simplement…

 

« Alors, adieu Constantin et Théodose qui ont promu le christianisme religion officielle de l’empire romain, adieu l’apparat et les compromissions qui s’en sont suivis au prix de la fraternelle simplicité des origines ! S’il n’est guère possible et s’il ne sert à rien de juger le passé, il nous incombe par contre de construire l’avenir. Pour demeurer fidèles à la Parole reçue, les communautés chrétiennes ont vocation à inventer, par delà les modèles hiérarchiques légués au catholicisme par la Rome antique et la féodalité médiévale, des formes de service et de pouvoir inédites. Le dernier concile en avait déjà pris conscience avec Jean XXIII. Et, malgré d’âpres résistances, on s’en préoccupe de nouveau au Vatican sous la houlette du pape François ! »

 

***

 

D’aucuns trouveront ce billet outrecuidant – de quoi se mêle donc ce laïc qui feint d’ignorer la modestie de l’immense majorité des prélats ? D’autres estimeront qu’il ne s’agit là que de futiles élucubrations au regard des graves problèmes que connaissent le monde et l’Église – n’est-il pas plus urgent de soutenir les initiatives qui témoignent de l’Évangile en dépit de tous les manquements ? Mais la question soulevée est moins anodine qu'elle ne semble au premier abord. Les titres n’ont évidemment aucune importance en tant que tels, mais ils sont révélateurs de l’idéologie et des structures qui les produisent et qu’ils illustrent, et ils contribuent à en assurer la reproduction. Même les dehors les plus dérisoires peuvent cacher des enjeux cruciaux…

 

P.S. Voir https://www.youtube.com/watch?v=Q4DfrjJjPKc&feature=share

(Le cardinal américain Raymond Leo Burke a occupé jusqu’à récemment le poste de préfet du Tribunal suprême de la signature apostolique, la plus haute juridiction du Saint-Siège.)

 Il est entendu que la caricature est toujours caricaturale, mais c’est précisément de cette façon qu’elle dévoile la nature profonde de ce qu’elle représente. Que dire, que faire, quand il arrive que l'idolâtrie le dispute au grotesque à un point tel qu’il ne semble guère possible d'imaginer pire ? Suffit-il d’admettre que Dieu reconnaîtra les siens ?   

 

Jean-Marie Kohler

http://www.recherche-plurielle.net

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Publié le 7 Février 2015

 

Il faut répondre au questionnaire proposé par notre diocèse dans le cadre du synode sur la famille. Il faut faire entendre nos voix.

 

Mais en préalable on peut tout de même s’étonner du choix et de la répartition des 5 questions posées. Regardons de près les chiffres entre parenthèses, qui renvoient aux paragraphes du rapport du synode d’octobre 2014. Que constatons-nous ? Les 4 premières questions renvoient au total à 10 paragraphes, la question 3 ne se référant en particulier qu’à un seul item de 10 lignes, alors que la seule dernière question renvoie à 15 paragraphes, soit 3 pages. Et précisément, sur quoi porte cette dernière question ? Sur les « situations particulières », toutes mises dans le même sac, même si elles sont ensuite détaillées.

 

Or qu’est-ce qui nous interpelle, de quoi discutons-nous, entre chrétiens ou avec nos amis d’autres confessions ou convictions ? Sûrement pas l’urgence de « témoigner de la joie du mariage et de la vie de famille », pas plus que des aménagements à apporter à la préparation au sacrement du mariage. Nous avons le souci des « situations particulières » évoquées dans la question 5 : l’accueil des divorcés, remariés en particulier, la reconnaissance des couples homosexuels et de leurs familles. Les médias d’ailleurs ne s’y trompent pas : ils savent, comme nous, que c’est sur ces points cruciaux que se jouera la crédibilité d’un discours et d’une pratique d’Eglise ouverts au monde d’aujourd’hui.

 

Le message de l’Evangile ne nous pousse pas à réfléchir à l’aménagement de nos pratiques pastorales, ce qui est peu ou prou le sujet des 4 premières questions, mais à accueillir les réalités d’aujourd’hui pour revoir entièrement le sens de nos paroles et de nos actes collectifs en Eglise.

 

La Coordination JONAS Alsace

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Publié le 2 Janvier 2015

« Ne vous inquiétez pas de quoi vous vous vêtirez » (Mt 6,25 ; Lc 12,22). Ces paroles de l’évangile me reviennent presque automatiquement à la pensée, c’est une habitude que je me suis imposée, lorsque je vois un col romain trop raide. Je ne veux pas m’arrêter à ces détails. Pourtant, récemment, je n’ai pas pu retenir mon esprit de folâtrer sur ce sujet en voyant un appel aux dons, qui émanait de la Fondation Nationale pour le clergé. Cet organisme de l’Église catholique en France sollicitait la générosité des fidèles en faveur des prêtres, religieux et religieuses âgés.


Ce qui a alerté mon attention, c’était l’illustration de cet appel aux dons : une photo très engageante, présentant le Père Henri, 86 ans, large sourire, crâne nettement dégarni, fines lunettes, mais pas de col romain. Sa tenue vestimentaire était révélatrice de sa pastorale : une chemise bleu-clair, au col largement ouvert, sur une veste gris-clair. Seul signe distinctif : une petite croix discrète sur le revers de la veste (www.fondationduclerge.com). Il en va tout autrement des quêtes pour les œuvres de vocations et les séminaires, qui affichent le plus souvent des photos de jeunes clercs, plutôt sérieux, voire austères, avec des cols romains rigides. En terme de marketing, on se demandera lequel de ces deux genres d’illustrations atteint le plus efficacement la générosité des fidèles ? En tout cas, cela illustre nettement deux compréhensions différentes du ministère pastoral, à l’image des styles des papes au tournant du millénaire. Il y eut successivement, entre 1939 et 1963, les papes Pie XII et Jean XXIII, l’un austère et l’autre débonnaire, ensuite, à partir de 2005, Benoît XVI et François.


À présent, comment se situe l’Église catholique en France ? Dans les années 1980 les tendances dans l’épiscopat et dans le nouveau clergé préféraient le col rigide. Or, s’adressant aux séminaristes français réunis à Lourdes début novembre, le préfet de la Congrégation romaine pour le clergé, le cardinal Stella, souhaitait que chacun puisse dire : « Je veux être un prêtre dans le style du pape François, par la proximité, l’affection pour les personnes ». Ce cardinal est proche du pape actuel, dont il donne en exemple « la grande humanité » (La Croix 7 novembre). De fait, cette qualité pastorale primordiale se manifeste dans toutes les initiatives du pape, et tout particulièrement dans la convocation et la conduite du Synode sur la famille. En effet, il vient d’assigner à la deuxième session de ce synode cette mission : « placer l'Église aux côtés des familles en situations extrêmes ».


L’alternance des papes, tantôt austères et tantôt bienveillants, et la présence parmi les prêtres de courants aussi divers, font songer aux évolutions de Jean Baptiste à Jésus : le premier agitait la menace, en évoquant la hache prête à couper l’arbre, tandis que Jésus ménageait la mèche qui fume encore (Mt 3,10 ; 12,20). Or, les tenues ecclésiastiques juxtaposent les deux courants : la raideur d’un col romain et la souplesse soyeuse des ceintures violettes ! Les deux peuvent être portées par la même personne. Mais peut-on laver les cols romains avec des lessives du genre Soupline, pour en atténuer la raideur ? Ce serait merveilleux ! En tout cas, certains porteurs de col romains sont eux-mêmes très souples, du moins pour mettre et enlever leur col. Tantôt on les voit avec, et tantôt, sans. Considèrent-ils leur vêtement comme un uniforme, à revêtir quand ils sont en exercice ? Pourtant la pastorale, c’est comme la médecine. Bien sûr, il y a des temps forts, mais elle affecte la personne en profondeur et de façon permanente, on ne peut pas la déposer au vestiaire.

 

M.M.

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Rédigé par jonasalsace

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