Familles nouvelles, je vous aime
Publié le 22 Mars 2015
Les chrétiens ont à cœur de s'inspirer de l'Evangile dans leur vie affective et familiale et de le partager avec autrui. Aujourd'hui, à travers une communication mondialisée, l'Evangile est entendu par "une foule immense de toutes races, langues, peuples et nations". Depuis la première Pentecôte, ils ont aussi de souci de veiller à ce que "chacun les entende dans sa propre langue". Ce qui implique que les chrétiens aient une parfaite connaissance des réalités sociales et culturelles ainsi que des pratiques relationnelles vécues dans un substrat sociétal varié. Il est nécessaire aussi qu'ils prennent conscience que l'humanité entière aspire au bonheur malgré les difficultés de la vie quotidienne.
En effet, lorsqu'ils sont libres dans leurs choix, tous les hommes ne souhaitent-ils pas aimer et être aimés ? N'est-ce pas aussi le message de Jésus qui nous invite à découvrir l'amour humain par delà des structures familiales et conjugales souvent pesantes ? N'est-ce pas aussi à travers l'amour humain que se dessine l'image du Dieu de Jésus-Christ qui, après chaque échec, permet un nouveau départ come une résurrection sans cesse renouvelée ?
Grâce à un développement sans précédent des sciences et une mondialisation des échanges, notre époque a la particularité d'accélérer des changements qui, dans le passé, auraient mis plusieurs générations à se réaliser. Ceux-ci ne touchent pas seulement la production et la technologie, mais aussi les relations entre personnes et la perpétuation de l'espèce humaine, c'est-à-dire la famille et l'engendrement. Désormais la famille est de plus en plus souvent une entité mouvante et complexe, composée et recomposée de parents, beaux parents, donneurs de gamètes ou d'embryons auxquels s'ajoutent des femmes qui portent un enfant pendant la durée de gestation avant de le confier à des parents adoptifs. Sans parler des frères et sœurs, demi-frères et demi-sœurs et enfants non consanguins cohabitant suite à une nouvelle vie en couple de leurs parents.
Dans cette nouvelle architecture familiale, chacun doit avoir une place connue et reconnue. Chacun doit pouvoir tisser des liens charnels et interpeler personnellement ceux qui sont les protagonistes de ses origines et non en faire des monstres ou des héros dans une histoire familiale imaginaire.
Plutôt que de tenir compte de ces réalités quotidiennes, d'aucuns veulent réduire la famille à "un père, une mère, pas un de plus, pas un de moins". En oubliant que cette famille fantasmée n'a jamais existé. Ni dans l'Evangile, ni dans la société. Jésus avait une famille. Une mère très présente jusqu'au pied de la croix, un père absent et aussi des frères. Ce n'est pas exactement la sainte Famille. Dans nos souvenirs, la famille de notre enfance ne se réduisait pas à deux parents. Le père était souvent retenu hors de la maison par son travail quand il n'était pas mort précocement dans une guerre. Mais nous étions heureux de la présence d'une grand-mère ou d'un grand-père que nous considérions comme partie intégrante du cercle familial le plus proche. Ce n'était pas la famille de la Manif pour tous mais chacun y donnait de son amour, souvent plus an gestes qu'en paroles.
Et voici que certains défendent l'unique famille acceptable, la famille calquée sur l'engendrement et qui instaure une complémentarité indéfectible des savoir-faire maternels et paternels et hiérarchise les compétences des hommes et des femmes dans notre société. Ils s'opposent aux filiations homoparentales et à la procréation médicalement assistée pour les femmes célibataires. Ils dénoncent ces familles où se côtoient deux mères ou deux pères, ces familles au sein desquelles chacun peut trouver une place dans la construction psychique de l'enfant, où l'instinct paternel vaut bien l'instinct maternel.
Dans le passé, le droit s'est adapté à l'évolution des familles. Il doit en être de même aujourd'hui. Quelle que soit sa nature, sa composition ou sa recomposition, la famille reste la base de la société. Plutôt que d'être affaire de chromosomes, elle est œuvre d'amour. N'est-ce pas cette réalité que nombre de nos contemporains tentent de vivre avec ou sans référence à l'Evangile ?
Jean-Paul Blatz
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