Les femmes dans le Quatrième Evangile

Publié le 8 Novembre 2010

R.E. Brown, exégète spécialiste du Quatrième  Evangile, aujourd’hui décédé conclut son ouvrage « La communauté du disciple bien-aimé » par un chapitre sur le rôle des femmes au sein de la communauté johannique. En écrivant ce chapitre son objectif est d’apporter sa contribution au débat sur le rôle des femmes dans l’Eglise. Il écrit « J’ai choisi le Quatrième Evangile à cause du net correctif que l’évangéliste apporte à quelques attitudes ecclésiastiques de son temps – une voix que nous devrions écouter et sur laquelle il faudrait réfléchir quand nous discutons de nouvelles fonctions pour les femmes dans l’Eglise d’aujourd’hui ».

 

Après avoir rappelé que le Quatrième Evangile ne renseigne pas beaucoup sur les offices ecclésiastiques, il note cependant qu’en Jn 12,2 il est dit que Marthe servait à table et fait un parallèle avec l’office de diakonos qui existait dans les Eglises post-pauliniennes.

 

Il montre ensuite en prenant  trois exemples  - la Samaritaine, Marie-Madeleine, Marthe et Marie dans l’épisode de la résurrection de Lazare – et en comparant certaines paroles et certaines actions  avec les Evangiles synoptiques que les femmes dans le Quatrième Evangile ont un rôle proche de celui des apôtres.

 

Dans le chapitre 4 qui relate la rencontre de Jésus  avec la Samaritaine   les villageois croient « à cause de la parole de la femme ». R. E. Brown souligne que cette expression est significative parce qu'elle se rencontre à nouveau dans la prière « sacerdotale » (Jn 17)  de Jésus pour ses disciples : « Ce n'est pas pour ceux-ci seulement que je prie, mais pour ceux-là aussi qui grâce à leur parole croient en moi ». En d'autres termes, l'évangéliste peut décrire à la fois une femme et les disciples (présumés être des hommes) à la dernière Cène, comme rendant témoignage à Jésus par la prédication et amenant ainsi les gens à croire en lui.

 

Avant de commencer l’étude du chapitre 20, R.E. Brown rappelle que dans l'esprit de Paul, les deux conditions essentielles à l'apostolat étaient d'avoir vu Jésus ressuscité et d'avoir été envoyé pour le proclamer et il souligne qu’une clé pour comprendre l'im­portance donnée à l'apostolat de Pierre nous est donnée par la tradition qui le reconnaît comme le premier à avoir vu Jésus ressuscité (1 Co 15,5; Lc 24,34). 

Ensuite il montre que plus qu'aucun autre évangéliste, Jean révise cette tradition concernant Pierre. En Jean 20,2-10, Simon Pierre et le disciple bien-aimé vont au tombeau vide, mais ne voient pas Jésus; en fait, seul le disciple bien-aimé perçoit le sens des linges laissés là et en vient à croire. Et c'est à une femme, Marie­-Madeleine, que Jésus apparaît d'abord, lui enjoignant d'aller annoncer à ses « frères » (les disciples, selon 20,17-18) qu'il monte vers le Père. Certes, ce n'est pas là une mission destinée au monde entier; mais Marie-Madeleine n'est pas loin de vérifier les conditions de base exigées selon Paul pour être apôtre; et c'est elle, et non Pierre, qui est la première à voir Jésus ressuscité. Le titre « d'apôtre des Apôtres » lui fut attribué.

 

La profession de foi de Marthe dans l’épisode de la résurrection de Lazare peut être comparée à celle de Pierre. L'épisode le plus célèbre où Pierre durant le ministère de Jésus affirme sa foi se déroule à Césarée ; il proclame « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » (Mt 16,16). Le parallèle le plus proche de cette confes­sion se trouve dans le quatrième évangile en Jean 11,27 : « Tu es le Christ, le Fils de Dieu  », et cela sur les lèvres d'une femme, Marthe, soeur de Marie et de Lazare. Et cette confes­sion vient dans le contexte d'une plus grande révélation de Jésus à Marthe : c'est à une femme qu'est révélé le mystère de Jésus comme la Résurrection et la Vie! Si d'autres commu­nautés chrétiennes se représentaient ainsi Pierre comme celui qui, en une suprême confession, reconnut Jésus comme le Fils de Dieu, et auquel en premier lieu apparut Jésus ressuscité, la communauté johannique a associé de tels souvenirs à des héroïnes comme Marthe et Marie-Madeleine.

 

Pour R.E. Brown, Jean dépeint Simon Pierre comme l'un seulement des héros et héroïnes, suggérant ainsi que l'autorité ecclésiastique n'est pas le seul critère pour juger de l'importance relative de ceux qui suivent Jésus.  Il note ensuite que pour Jean la qualité de disciple est la catégorie principale, et qu'il comptait des femmes comme disciples de choix, quand il nous disait que Jésus aimait Marthe et Marie, et que Marie-Madeleine était l'une de « ses propres » brebis qu'il appelait par leur nom.

 

R.E. Brown conclut son livre ainsi :  « En recherchant le témoignage du quatrième évangile, on est encore surpris de voir dans quelle mesure hommes et femmes étaient déjà, dans la communauté johannique, sur un pied d'égalité dans le troupeau du Bon Pasteur. Elle semble avoir été une commu­nauté où, dans les affaires qui intéressaient réellement les disciples du Christ, il n'y avait aucune différence entre hommes et femmes - un rêve de Paul (Ga 3,28) qui n'était pas complètement réalisé dans ses communautés. Mais Jean lui-même nous a laissé une curieuse note d'incomplétude : les disciples, surpris de l'ouverture de Jésus avec une femme, n'osaient pas encore lui demander : « Qu'attends-tu d'une femme? » (Jn 4,27). Le temps ne serait-il pas venu dans l'Église du Christ de poser une telle question? »

 

 

 

A partir du livre : La communauté du disciple bien-aimé, R.E.Brown, Cerf, Paris 2002.

Rédigé par jonasalsace

Publié dans #@femmes

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J
<br /> <br /> regard nouveau et très interessant au moment où l'on cherche à donner leur juste place aux femmes dans l'Eglise<br /> <br /> <br /> <br />
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