Quel salut pour les religions et pour notre temps ?

Publié le 11 Décembre 2011

Quel salut pour les religions et pour notre temps ?


Jadis, dans nos campagnes, avant et après leur évangélisation, les religions imploraient la divinité pour la clémence du temps, pour les récoltes, la pluie, etc. C’était en particulier l’objet des processions des Rogations. Mais avec la maîtrise des techniques agricoles et le progrès des connaissances en ces domaines (composition des sols, arboriculture, etc.) les rites ont perdu de leur intérêt. Désormais, dans nos sociétés modernes, la santé, l’alimentation et la paix sont sensées garanties par les progrès scientifiques et autres. Les religions n’auraient-elles donc plus aucune utilité ? Le salut est-il définitivement acquis ? Hélas, non.
En effet, devant les nouveaux désordres et le chaos qu’ils engendrent, comme les tribulations de l’Euro, on réclame une autorité supérieure et une régulation programmée, mais d’abord une sagesse capable d’un diagnostic pertinent et crédible. Or, les religions sont porteuses de Paroles et de Sagesses, efficaces pour orienter le comportement personnel et social. Le salut leur viendra d’une mise en commun de leur Sagesse et d’une mise à jour de leurs doctrines, pour répondre aux attentes de nos sociétés.
À cet égard, la réflexion et l’action concertée sont plus appropriées que le goupillon. Il n’est plus besoin de potions ni de gourous, mais de ce dynamisme spirituel que seule la Parole reçue peut éveiller. Que les religions parlent ensemble à la société, non par des discours, mais par l’engagement concerté de leurs fidèles.
Hélas, du côté catholique, les difficultés internes paralysent les communautés, qui devraient être le levain dans la pâte du monde ; l’immobilisme des chefs les prive des moyens de subsistance et de développement pourtant établis par le Christ et ses apôtres : pasteurs en nombre suffisant, eucharistie pour tous, miséricorde pour réintégrer les échoués, etc. Plus grave encore, les discussions et marchandages pour faire évoluer la hiérarchie détournent les forces de la mission la plus urgente : être le sel de la terre (Matthieu 5,13).

Jésus disait OUI, et les évêques, NON


Jésus disait : « Demandez et vous recevrez » (Matthieu 7,7-11 ; Luc 11,9-13). De fait, tant de malheureux se sont adressés à lui, des infirmes, des pécheurs, des parents dont les enfants étaient malades, ou mourants. Ils demandaient une guérison, un pardon, un rétablissement. Jésus disait à chaque fois : OUI. Il arrivait même qu’il dise OUI à quelqu’un qui ne lui avait rien demandé explicitement, comme Zachée (Luc19,1-10). Même au dernier moment, sur la croix, il avait encore dit OUI au bon larron. Et après sa résurrection, OUI à Thomas et à Pierre.
Mais la devise des évêques catholiques, à commencer par celui de Rome, c’est : « Demandez, et on vous refusera ». Les divorcés remariés demandent le pain de vie, ils le leur refusent. Les communautés demandent des prêtres en proposant d’adapter les modalités de recrutement, ils refusent. Elles leur demandent que des femmes puissent assurer des homélies, ils refusent. Les catholiques allemands viennent de demander des diaconesses, ils refusent. En l’absence de prêtres, des malades demandent que des diacres leur donnent l’onction, ils leur refusent. Et parfois, quand des évêques disent OUI, ce sont des jeunes prêtres de la marée noire qui refusent, comme aux filles qui risqueraient de frôler l’autel.

Assemblées dominicales de la Parole : le concile a dit OUI, et les évêques de France, NON


L’assemblée plénière des évêques de France, de novembre dernier, a publié ses conclusions, résumées dans le discours final du cardinal Vingt-Trois (diffusé dans Église en Alsace, décembre 2011, p. 6-11). On peut y lire ceci : « Les travaux accomplis sur les rassemblements dominicaux nous ont permis de réaffirmer le sens de la célébration du dimanche par la participation effective à la Messe […] Nous nous réjouissons de constater que dans de nombreux diocèses, la Messe célébrée en un lieu central (un lieu fixe, à heure fixe) pour plusieurs communautés locales permet une meilleure qualité de célébration et développe une expérience communautaire plus riche ». Pas un mot sur les Célébrations Dominicales de la Parole, bien qu’on puisse leur appliquer ce propos, que les évêques réservent à l’eucharistie : « Sans cette assemblée dominicale, l’Église dépérit et faillit à sa mission envers tous les hommes ». Or, il y a déjà près de cinquante ans, le concile avait demandé : « On favorisera la célébration sacrée de la Parole de Dieu […] les dimanches et jours de fête, surtout dans les localités privées de prêtres. » (Constitution sur la liturgie, 4 décembre 1963). De telles célébrations ont été mises en place régulièrement en divers pays, dont le Canada, et en particulier en Amérique latine et en Afrique. Pourquoi cette régression chez les évêques français ? Mais ils ont trouvé une porte de sortie : « La fête du dimanche en un lieu central ne doit pas se traduire par un abandon des églises de nos villages […] Nous appelons les chrétiens (Ndr : il ne peut s’agir que des catholiques !) de chaque village qui en ont la possibilité pratique au cours des jours ouvrables à les rendre vivantes par des réunions de prière fréquentes à leur initiative ». Mais quelle paroisse est prête à chauffer son église en hiver pour cela ? Les paroissiens qui le veulent prieront plutôt chez eux !



Transports en commun gratuits pour les messes dominicales


Les grandes entreprises de transport en commun et les sociétés locales de taxis viennent de proposer leurs services pour transporter gratuitement les fidèles des campagnes françaises le dimanche matin. Ils répondent ainsi généreusement à la demande des évêques de France (assemblée plénière de novembre 2011), à propos des messes dominicales célébrées pour des regroupements de plusieurs paroisses : « Nous appelons tous ceux qui le peuvent à proposer leur aide pour assurer les déplacements nécessaires ».
Évidemment, cette annonce de transports dominicaux gratuits est purement imaginaire. Aucune entreprise de transport ne prendra une telle initiative ! Tout au plus trouvera-t-on, très tôt le dimanche matin, des chauffeurs dévoués pour ramener les fêtards de la nuit et leur éviter de renverser les platanes. Quant aux fidèles qui prennent leurs voitures pour « covoiturer » vers les messes dominicales des campagnes, ils avancent en âge, au même rythme que leurs voitures, ce qui a un effet inéluctable de réduction progressive, jusqu’à épuisement.

Le Pain de vie le dimanche : Rome a dit OUI, et les évêques de France, NON
Est-ce une petite lueur d’espoir ? Ou bien un coup d’épée dans l’eau ? En effet, alors qu’en novembre (2011), devant l’actuelle situation de pénurie, l’assemblée plénière des évêques de France ne recommandait que la messe dominicale, avec regroupement des paroisses sans prêtres en un lieu central, un mois plus tôt l’Instance régionale évêques – prêtres des diocèses de l’Est s’intéressait aux célébrations de la Parole et livrait cette information : « Un chantier est en cours à la CEF (Conférence des évêques de France) ; il y a une vigilance concernant la distribution de la communion » (lu dans Église en Alsace, décembre 2011, p. 47). Cela signifie en clair : interdire la communion eucharistique dans les célébrations dominicales de la Parole. Or un document de l’Église romaine universelle dit ceci : « Le rite de communion apparaît souvent comme le temps fort d’une démarche communautaire qui manifeste la communion avec l’Église par l’union au Christ » (Directoire pour les Assemblées dominicales en l’absence de prêtre, par la Congrégation pour le Culte divin, édition officielle en français, 1988, p. 15 et n. 46-47). Est-ce cette « communion avec l’Église par l’union au Christ » que les évêques français veulent décourager ?
Il ne suffit donc pas que les fidèles catholiques soient privés de pasteurs et incités à se déplacer pour participer à l’eucharistie, lorsque les évêques français leur concèdent qu’en raison des distances ils puissent se satisfaire d’une Célébration dominicale de la Parole, on les prive encore de la communion eucharistique. Dans ces cas, il vaut mieux être malade, puisque pour l’instant la communion peut encore être portée aux malades.
Paradoxalement ces restrictions s’accompagnent dans de nombreux diocèses et paroisses d’une publicité disproportionnée pour l’adoration du Saint Sacrement. Or, il s’agit là d’un produit de substitution, introduit dans la seule Église latine et dérivé du culte des reliques, avec ses ostensions, en un temps où la participation active à la messe était rendue impossible à la masse des fidèles. À présent, alors que depuis près d’un demi-siècle le concile Vatican II permet le plein développement de la célébration eucharistique, les chefs, qui devraient être des pasteurs, en éloignent de plus en plus de fidèles, en les privant des ministres nécessaires pour présider l’eucharistie, et en les orientant vers des pratiques dérivées. Faudra-t-il à nouveau attendre quelques siècles pour qu’un autre Pie X favorise la communion fréquente ?

 

 

Un millefeuille indigeste


Le pape vient d’annoncer une prochaine « Année de la foi ». Or, la campagne pour la « Nouvelle évangélisation », objet du prochain synode, se poursuivra encore quelque temps. De son côté, l’épiscopat français a lancé une année de la diaconie, et dans leurs diocèses, les évêques lancent encore d’autres campagnes annuelles. Pour le synode, des tonnes de papiers ont été dévorées pour les enquêtes préalables ; celles-ci seront laminées dans les débats, puis dans la relecture produite par le pape, qui la publiera trois à quatre ans après le lancement du chantier, lorsque de nouvelles campagnes auront déjà accaparé l’attention et relégué les précédentes dans les oubliettes. On ne peut courir deux lièvres à la fois ! Toutes ces campagnes thématiques mobilisent les énergies, mais se superposent et détournent l’attention les unes des autres, c’est un millefeuille indigeste. Les communautés paroissiales et leurs équipes pastorales, quant à elles, s’activent à pallier l’absence cruelle de prêtres et de bénévoles et à annoncer l’évangile du dimanche pour en faire vivre le message, toujours d’actualité, plus que toutes les campagnes thématiques.

 

 

Marcel Metzger

Rédigé par jonasalsace

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D
<br /> J'aimerais savoir qui a écrit cet article que je trouve très intéressant . En effet ce texte va loin dans la recherche, cite de nombreux textes venant de différents horizons, texte qui finissent<br /> plus d'une fois par se contredire par se contredire. J'azi beaucoup apprécié le paragraphe qui nous nous rappelle un Jésus qui dit "oui" - ce "oui" rappelle son "oui" éternel au Père et qui nous<br /> présente a contrario le "non" des évêques, le non de la légalité pas elui de l'Evangile.<br />
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