Humaniser le monde par-delà les religions (septembre 2013)

Publié le 10 Novembre 2013

Editorial


Ne vivre sur terre que pour gagner le ciel, telle a été l’inhumaine obsession de beaucoup de chrétiens durant des siècles. Exilés dans la « vallée des larmes » assignée à l’humanité après l’expulsion de l’Éden, ils devaient se vouer corps et âme à la religion pour échapper au mal omniprésent et à la damnation. Comme le fruit défendu, les plaisirs terrestres véhiculaient le péché et la mort. L’unique voie menant à la félicité éternelle passait par le renoncement aux biens du monde sous la férule de l’Église. Terrifiante aliénation ! La rédemption par le sang de Jésus-Christ donnait certes accès au salut ; mais « après » et « là-haut » seulement.

 

L’Évangile avait pourtant anticipé le ciel sur la terre enannonçant que le Royaume de Dieu se réalise parmi les hommes dès que la bonté l’emporte sur l’indifférence et la haine, dès que la vérité l’emporte sur le mensonge. Et, incroyable miracle, le mal et la mort ont à jamais été vaincus sur le Golgotha par la puissance de l’amour. Même dans les épreuves et les larmes, les Béatitudes du Sermon sur la Montagne invitent à vivre heureux. Dieu n’est pas à chercher dans les cieux, mais parmi les humbles à nos côtés. Actualisant la résurrection, le « Corps du Christ » se construit au fil de l’histoire des hommes. C’est là que germe notre éternité.

 

Tributaires du monde, les Églises sont écartelées entre leurs idéaux universels et les contraintes qui les enserrent. Leurs valeurs ne peuvent s’incarner que de façon imparfaite et transitoire. S’ajoutent à cela les contradictions inhérentes aux stratégies politico-religieuses de conquête et de domination. La proclamation de l’égale dignité de tous les hommes par le christianisme n’a pas empêché cette religion d’être plus proche des puissants que des petits, ni de couvrir à son profit bien des crimes commis par les premiers. Et les ambiguïtés des autres religions ne sont pas moindres, ni leur violence quand leurs intérêts sont en jeu.

 

Il n’y a pas de monopole de la vérité et du salut, mais chaque religion offre des chemins pour s’en approcher. Alors que la modernité récuse l’archaïque dieu Tout-Puissant, les religions qui en ont fait leur idole et l’assise de leur pouvoir se découvrent orphelines et obligées de se dépasser. Inévitable et douloureux exode ! Comment avancer vers des horizons nouveaux en restant fidèle à l’essentiel transmis par le passé ? Comment, sans renier la transcendance nommée Dieu ou autrement, quitter les images obsolètes du divin ? Comment, dans notre société sécularisée et pluraliste, promouvoir l’homme sans l’idolâtrer ?

 

Par delà les légitimes particularités identitaires des religionsse profile, aube d’une possible mondialisation éthique et spirituelle, un humanisme métis à la fois universaliste et pluriel, tissé du meilleur des philosophies et des religions passées et actuelles. Congédiant les faux dieux et les prétentions des peuples élus, l’humanité a vocation à se libérer des avatars profanes du Veau d’or qui la gangrènent, à lutter pour la justice et de la paix, et à s’enrichir de toutes les cultures. « Bonne nouvelle », rêve de Dieu ou rêve de l’homme seulement, le combat pour l’humanisation du monde revêt aujourd’hui une dimension spirituelle et politique inédite.

 

Jean-Marie Kohler

 

 

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Rédigé par jonasalsace

Publié dans #@livres

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