Publié le 19 Janvier 2014

 

Le 20 octobre 2013 les groupes Jonas d'Alsace se sont rencontrés à Sélestat (Bas-Rhin) pour un moment de partage, de réflexion et de prière. A partir de son expérience pastorale et comme observateur attentif de l'évolution de la société, Jacques Noyer, évêque émérite d'Amiens, a enrichi notre réflexion sur les manières d'être des témoins de la parole que nous avons en héritage dans un monde en profonde mutation.

 

Quelques pistes de réflexion évoquées par Jacques Noyer.

 

L'Eglise est dans le monde. Dans un monde qui change. Pour rester elle-même, l'Eglise doit aussi changer. Pour rester fidèle à sa mission de toujours : annoncer au monde l'espérance. L'espérance d'un horizon de fraternité et d'amour. Et cela oblige chaque chrétien, chaque communauté, chaque diocèse et l'Eglise toute entière à changer.

 

Cette nécessaire évolution implique un abandon de tout ce qui reste dans notre pratique et notre vision d'Eglise du temps de chrétienté. La chrétienté est un  temps de l'Eglise, un moment où l'Eglise s'est retrouvée, surtout en Occident, responsable des sociétés. Elle s'est trouvée en situation d'organisatrice. Elle donnait les règles. D'une certaine façon elle faisait les lois, des lois inspirées d'en-haut. Elle pensait sauver les hommes avec de bonnes lois.

 

L'histoire a déjà donné quelques coups de boutoir à cette prétention. Jusqu'au concile Vatican I, l'Eglise s'est arc-boutée pour défendre ce programme. Vatican II, pour la première fois, a tenté de penser l'Eglise après la chrétienté, lorsque celle-ci n'est plus maîtresse de la société comme elle pouvait le prétendre autrefois. Aujourd'hui le rôle de l'Eglise est toujours aussi urgent, peut-être même plus urgent que dans le passé, pour accompagner ceux qui cherchent, ceux qui tâtonnent, ceux qui se sentent exclus, ceux qui paraissent rejetés par la loi elle-même.

 

Malheureusement nous avons gardé des réflexes de chrétienté. Nous voudrions jouer les maîtres d'école. Faire régner le silence dans les rangs. Alors que le rôle premier de Jésus a été d'aider les hommes à s'épanouir par la Bonne Nouvelle, à savoir que Dieu est un père.

 

L'Eglise offre un horizon. Non seulement par des règles, mais par un rêve. Le rêve de Jésus lui-même, celui d'un monde uni, d'un monde fraternel, où les petits seraient accueillis comme les grands. Où tout serait renversé selon le regard humain, mais où tous se retrouveraient dans une attitude dessinée par les béatitudes.

 

Aujourd'hui, nous sommes en capacité de remettre en route notre Eglise qui semblait s'être figée comme un organe témoin d'une civilisation dépassée. François, évêque de Rome lui-même a parlé. Non pas en donnant des ordres ou en utilisant son prestige de souverain pontife pour faire passer de nouvelles lois - ce qui serait d'ailleurs impensable... Mais comme une personne qui ouvre les yeux sur le monde. Qui, au lieu de défendre une morale, pense aux hommes. Particulièrement à ceux qui ont du mal à sortir d'une vision désespérée de l'existence. Une personne qui offre à notre humanité du XXIème siècle une espérance, un horizon, même si nous ne connaissons pas précisément le chemin par lequel il faut passer. 

 

Commençons par changer votre manière d'être. Nous avions peut-être le défaut, depuis un certain temps, d'attendre quelque chose qui descende du pape, des ordres pour réformer l'Eglise, des décisions qui s'imposeraient. Ces décisions viendront après. Dans un premier temps que chaque chrétien retrouve prioritairement l'amour des frères, la miséricorde dans leur accompagnement, fussent-ils les plus violents, les plus éloignés de nos vies quotidiennes.

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Publié le 21 Décembre 2013

 

Contribution aux questions 5 et 7

 

Préambule

Lucien Neuwirth, homme politique français, de droite et catholique, a fait voter en 1969 la loi sur la contraception et a voté en 1974 la loi Weil sur l’IVG.

Erwann Binet, homme politique français, de gauche et catholique, a fait voter en 2013 la loi sur le mariage pour tous.

Comme de nombreux catholiques qui partagent leurs idées et leur engagement, ces deux hommes « sont aussi l’Eglise ». 

 

Question 5. Sur les unions de personnes du même sexe

Une sous-question évoque « le comportement des Eglises particulières et locales envers les personnes impliquées dans ce type d’union ». Nous constatons une chose : les couples homosexuels sont quasi invisibles dans nos églises. Nous ne connaissons pas, personnellement, de communauté paroissiale dans laquelle un couple d’hommes ou de femmes soit accueilli et reconnu comme tel. Heureusement, il existe des groupes tels que David et Jonathan, mais ont-ils la moindre visibilité dans nos assemblées ?  Sur le terrain, le comportement des catholiques semble donc être la négation, le déni, quand il ne s’agit pas de rejet.

« L’attention pastorale aux personnes qui vivent ce type d’union » doit-elle être différente de celle accordée aux époux hétérosexuels ? Nous avons constaté avec une grande tristesse le désarroi de nombreux amis homosexuels au moment des « manifs pour tous » : au nom de quoi les considérer comme des égoïstes ou des personnes superficielles, qui ne chercheraient que leur intérêt propre et voudraient des enfants comme on veut un jouet ? (Sur ce plan, est-on si sûr que le désir d’enfant des hétérosexuels soit par définition pur de tout égoïsme ou narcissisme ?) Nombre de personnes homosexuelles, et sûrement celles et ceux qui se reconnaissent dans une spiritualité chrétienne, prennent très à cœur l’engagement du mariage et pèsent longuement leur choix d’avoir des enfants. On peut éventuellement discuter ces choix, mais si – et seulement si – on admet d’abord qu’ils sont faits en conscience et dans un réel souci de vivre l’amour humain et l’amour de Dieu.

En conséquence la question sur « le comportement pastoral à tenir en vue de la transmission de la foi aux enfants de personnes de même sexe » ne devrait même pas se poser. Il y a dans la vie de ces enfants suffisamment d’amour et de tendresse pour refléter le visage de Dieu.

 

Question 7. Sur l’ouverture des époux à la vie

On peut s’étonner tout d’abord de la formule « la doctrine d’Humanae vitae sur la paternité responsable ». La maternité n’a-t-elle pas à être responsable ?

« Cette doctrine morale est-elle acceptée ? » Evidemment non, dans un monde où la responsabilité individuelle et collective est une valeur forte, mais aussi où fonder une famille est un choix exigeant, compte tenu des difficultés économiques et sociales. Là encore, légiférer sur ce qu’un couple a de plus intime, ses relations sexuelles et ses choix familiaux, est un total manque de confiance envers les baptisé-e-s. En outre le fait que cette doctrine soit édictée par des hommes célibataires ne plaide pas vraiment en sa faveur…

Que l’Eglise soit attentive au respect de la vie est une chose, mais il est bien difficile de comprendre qu’elle donne des directives précises sur la vie intime des gens. Les chrétiens sont – et seront de plus en plus – instruits, formés, capables de discernement et veulent donc être considérés comme tels. Jésus a fait confiance à ses disciples. Evangéliser, c’est sans doute cela : proposer aux gens le message de Jésus, mais leur laisser leur liberté de conscience et d’action, soutenue bien sûr par une communauté fraternelle (mais non uniforme) de croyants.

Je m’étonne enfin de la dernière sous-question « Comment favoriser la croissance des naissances ? ». Soyons réalistes : l’avenir de l’humanité sur la planète Terre ne peut se concevoir avec une croissance toujours plus importante du nombre de naissances, sauf à admettre ou vouloir que la majorité des humains survivent dans la misère. L’Eglise ne peut ignorer à ce point les données des sciences et doit admettre que la formule « croissez et multipliez-vous » a été écrite à un moment particulier de l’histoire du peuple juif et de l’humanité.

 

MAJ et FJ

 

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Publié le 18 Décembre 2013

La foi de l’Eglise


Qui enseigne

L’Eglise catholique n’est pas la seule à dire la foi et la pratique à propos du mariage. Il est scandaleux de qualifier les Eglises orthodoxes en particulier d’une moindre fidélité à l’enseignement du Christ à cause de leur pratique de la « miséricorde ».

 

La réception

Au moment où l’Eglise s’interroge sur la réception de la doctrine, on ne peut oublier les textes des épiscopats commentant l’encyclique Humanae vitae comme partie prenante de l’énoncé et la réception de la foi.

Si l’encyclique parle admirablement de la responsabilité parentale, l’épiscopat français, en particulier, rétablit le primat de la conscience dans le choix des moyens pour mettre en œuvre cette responsabilité, apportant un infléchissement important à certains passages d’Humanae vitae. Cela fait aussi partie de la doctrine et de sa réception.

 

Foi et morale face à l’histoire

Les jeunes chrétiens vivent dans leur immense majorité (plus de 90%)  une vie conjugale avant le mariage. Ils ne pensent pas que c’est là pécher. Que va dire la doctrine quand elle veut prendre en compte l’histoire ? Nous sommes une religion structurellement liée à l’histoire et à son évolution, qui modifient les liens de solidarité et la compréhension de la sexualité.

 

Reconnaissance de nullité

Bien des chrétiens renoncent à demander la « reconnaissance de nullité » de leur mariage qui est devenu un échec. Parce que l’échec n’enlève rien à ce qui a été vécu en vérité et qui fut aussi un épanouissement pour les conjoints et leurs enfants. L’approche juridique de la reconnaissance de nullité  est perçue comme une dévalorisation des personnes et une négation d’une part de sa vie.

 

Echec, faute et évolution

Il faut redire inlassablement la place du pardon dans toute vie de couple pour que celle-ci puisse continuer. Mais il faut prendre en compte les échecs. La miséricorde est toujours la bienvenue. Elle ne suffit pas.

 

L’évolution d’une personne

Le pape François invite à être attentif à la question comment l’homme se comprend aujourd’hui.

Il se perçoit comme une construction, une œuvre à accomplir c’est-à-dire faisant des choix non au gré du vent mais de la foi et de l’expérience de la vie. Ces choix tiennent compte  de l’histoire vécue et des promesses faites, certes, mais des possibilités et des impossibilités pour telle personne de vivre telle ou telle situation. Ce n’est pas un individualisme forcené mais la prise en compte de nos limites dans un monde où les moyens d’autonomie de la personne sont donnés.

Les sciences humaines nous rendent attentifs à des situations conflictuelles insurmontables, qui peuvent apparaître quelle que soit la bonne volonté des personnes et cela ne veut pas dire qu’il y ait eu immaturité antérieure.

Quel que soit le discernement fait, même avec l’invocation de l’Esprit, nos choix sont faits avec la liberté du regard que l’on s’autorise, c’est-à-dire dont on est capable à ce moment-là. La vie commune peut révéler en cours de route, des impossibilités liées à des composantes personnelles et à l’évolution saine  des personnes.

L’homme d’aujourd’hui ne renonce pas à s’engager pour la vie, par amour et de toutes ses forces. Mais il le fait en sachant qu’il n’est pas maître absolu de tout son être. L’évolution d’une personne peut lui faire mesurer combien des « sacrifices » acceptés sont en fait mortifères pour elle-même et pour son entourage.

 

Le manque de foi = un argument bien difficile

Assurément, bien des mariages sont célébrés par des personnes de « peu de foi », ou de foi en Dieu, sans que le Christ ait une place vivifiante, sans que le mystère de la mort et de la résurrection soit reçu. 

Dira-t-on que personne militante, généreuse et à la foi un peu fruste manque de foi suffisante pour le mariage ? Quelle exigence peut-on formuler ? Comment la mesurer ? Pour la réception d’un enfant au baptême, l’exigence de foi est « réduite » à la foi en un Dieu.

Faut-il prévoir une préparation sur une ou deux années comme pour le catéchuménat des adultes ?

 

Le nombre

On ne dira jamais assez que le groupe des divorcés ayant construit une nouvelle histoire d’amour, dans les larmes et la conversion, n’est pas une réalité marginale au sein du peuple de Dieu.

 

L’exigence de réconciliation

La réconciliation, pacification, avec le premier conjoint est souhaitable. Elle est souvent plus facile avec la famille de ce partenaire. Peut-être faut-il travailler à la réconciliation d’un(e)  divorcé(e) avec lui-même, à la pacification des relations avec les enfants.

A ce prix l’accueil à la communion de ces personnes, quand elles vivent une nouvelle alliance, n’est pas un contre-témoignage.

 

Vincent

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Rédigé par jonasalsace

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